Après
nos emplettes du matin, également contrariantes au niveau culinaire,
nous partons pour l'île de Jost Van Dijck. Cette île de 150
habitants à une réputation agréable et festive, et
nous y serons pour la saturday night fever.
Mais la fête,
ça se mérite. Nous devons quitter le ponton avec le vent
-assez fort - dans le dos. Philippe et Pierre sont devant pour maintenir
et pousser le bateau. Au dernier moment, ils embarquent par le balcon avant.
Dans la précipitation, le cache du feu de navigation tribord tombe
à l'eau. Pierre se jette à l'eau pour le récupérer
alors que Eric est à fond en marche arrière en train d'essayer
de ne pas rater sa manoeuvre. Quand il réalise la disparition
de son équipier avant, soucieux de l'intégrité de
ses effectifs, il veut revenir reprendre Pierre en se rapprochant du ponton
de coté. Erreur ! Le vent nous scotche sur le ponton et plus moyen
de repartir convenablement. Il faudra l'aide de beaucoup de mains anonymes,
quelques litres de sueur et le zodiac, équipé d'un gros hors-bord,
de la base de location toute proche pour pouvoir repartir, en marche arrière,
vers l'extémité libre des catways, sans deux membres de l'équipage
qui n'ont pu réembarquer après avoir poussé! Tout
cela s'est passé devant le restaurant de la marina, à l'heure
du petit déjeuner; le public est ravi du spectacle et applaudit.
Tout en se remettant
de nos émotions, on met le cap sur Sandy Cay, petite île propriété
de Mr L. Rockefeller. L'avantage de ces monopoles immobiliers privés
est la préservation de l'environnement : pas de spéculation,
pas de costa brava bétonnée; chez ce bon milliardaire, rien
que du sable et des palmiers. L'île est d'ailleurs gardée
par des baracudas (poissons à dentition pointue et carnivores qui,
paraît-il, peuvent goûter de l'homme quand ils sont énervés).
Nous visitons
la possession, malgré les gardiens aquatiques, que Marc brave même
en y allant à la nage. Ensuite, cap sur Great Harbour, qui n'est
pas un port mais une baie où l'on peut se mouiller, comme son nom
ne l'indique pas.
Nous repérons
une place parmi les bateaux, tout près de la plage, et après
vérification, il y a assez d'eau. Aubaine ! Nous entamons donc les
manoeuvres de mouillage quand, soudain, nous arrivent des hurlements en
anglais (en fait en américain) d'un catamaran qui se trouve à
peu près 100 mètres derrière nous. Il beugle que nous
sommes trop près, que nous allons être sur son ancre etc,
etc...Comme la plupart des autres bateaux sont beaucoup plus près
l'un de l'autre que nous de lui, nous ne tenons pas compte de ses invectives,
qui se font presque insultantes. Du coup, l'enragé remonte sur son
ancre au moteur pour nous empêcher d'achever notre manoeuvre. Pas
très cordialité yacht club. Nous refusons de lutter contre
la bêtise, et repartons nous mouiller beaucoup plus loin, à
l'entrée de la baie, en ruminant des pensées peu agréables
à l'égard de l'enragé, qui, s'il devait couler devant
nous ne reçevrait sans doute qu'une aide strictement légale
(et encore).
Nous avons pris
l'habitude de toujours vérifier la tenue de notre ancre en plongeant,
ce qui est plutôt agréable vu la faible profondeur, la luminosité
et la temprature de l'eau. Aujourd'hui, pas de chance pour Eric qui s'est
auto-désigné, il y a 30 mètres de chaîne par
9 mètres de fond et l'eau est totalement brouillée par du
sable en suspension, on n'y voit goutte. Il lui faudra plusieurs essais
pour arriver au bout de la chaîne et vérifier si l'ancre tient
bien. Mais ces clowneries peu orthodoxes pour un marin breton nous assurent
de bonnes nuits (on l'a déjà écrit peut-être
? C'est que le mouillage est un des seuls soucis permanents pour le marin,
et nous essayons de devenir des marins).
Nous sommes
récompensés par l'ambiance à terre, au Foxy, petit
resto très sympa où, pour un prix forfaitaire (et plus que
raisonnable), on mange à volonté des poisons et du poulet
grillé. S'ensuit une petite fiesta qui nous donne l'occasion de
sympathiser avec les équipages des bateaux voisins, dont notamment
un groupe d'étudiants de troisième cycle de Chicago qui ont
tous vécu en Europe, qui parlent les uns allemand, les autres français
etc...
Après cette
excellente soirée, retour en annexe : un léger détour
nous permet de passer étonnemment près du catamaran "ennemi"
évoqué ci-avant. Peu rancuniers, nous gratifions ses
occupants d'une douce berceuse, rythmée par de légers tambourinnements
de semelles sur sa coque(Léééo, lé-é-é-o,
etc, en canon à trois voix ivrognes) . L'homme n'est pas mélomane,
il n'est jamais venu nous remercier. Bref, très bonne soirée,
qui laissera des traces chez les trois mêmes que la dernière
fois...qui commencent à avoir un lourd passif.