Journée du 21 Mars 98 Départ :  Road Harbour (Tortola) Arrivée : Great Harbor (Jost van Dyke)
 
Après nos emplettes du matin, également contrariantes au niveau culinaire, nous partons pour l'île de Jost Van Dijck. Cette île de 150 habitants à une réputation agréable et festive, et nous y serons pour la saturday night fever. 

Mais la fête, ça se mérite. Nous devons quitter le ponton avec le vent -assez fort - dans le dos. Philippe et Pierre sont devant pour maintenir et pousser le bateau. Au dernier moment, ils embarquent par le balcon avant. Dans la précipitation, le cache du feu de navigation tribord tombe à l'eau. Pierre se jette à l'eau  pour le récupérer alors que Eric est à fond en marche arrière en train d'essayer de ne pas rater sa manoeuvre. Quand il réalise  la disparition de son équipier avant, soucieux de l'intégrité de ses effectifs, il veut revenir reprendre Pierre en se rapprochant du ponton de coté. Erreur ! Le vent nous scotche sur le ponton et plus moyen de repartir convenablement. Il faudra l'aide de beaucoup de mains anonymes, quelques litres de sueur et le zodiac, équipé d'un gros hors-bord, de la base de location toute proche pour pouvoir repartir, en marche arrière, vers l'extémité libre des catways, sans deux membres de l'équipage qui n'ont pu réembarquer après avoir poussé! Tout cela s'est passé devant le restaurant de la marina, à l'heure du petit déjeuner; le public est ravi du spectacle et applaudit.  

Tout en se remettant de nos émotions, on met le cap sur Sandy Cay, petite île propriété de Mr L. Rockefeller. L'avantage de ces monopoles immobiliers privés est la préservation de l'environnement : pas de spéculation, pas de costa brava bétonnée; chez ce bon milliardaire, rien que du sable et des palmiers. L'île est d'ailleurs gardée par des baracudas (poissons à dentition pointue et carnivores qui, paraît-il, peuvent goûter de l'homme quand ils sont énervés). 

Nous visitons la possession, malgré les gardiens aquatiques, que Marc brave même en y allant à la nage. Ensuite, cap sur Great Harbour, qui n'est pas un port mais une baie où l'on peut se mouiller, comme son nom ne l'indique pas.  

Nous repérons une place parmi les bateaux, tout près de la plage, et après vérification, il y a assez d'eau. Aubaine ! Nous entamons donc les manoeuvres de mouillage quand, soudain, nous arrivent des hurlements en anglais (en fait en américain) d'un catamaran qui se trouve à peu près 100 mètres derrière nous. Il beugle que nous sommes trop près, que nous allons être sur son ancre etc, etc...Comme la plupart des autres bateaux sont beaucoup plus près l'un de l'autre que nous de lui, nous ne tenons pas compte de ses invectives, qui se font presque insultantes. Du coup, l'enragé remonte sur son ancre au moteur pour nous empêcher d'achever notre manoeuvre. Pas très cordialité yacht club. Nous refusons de lutter contre la bêtise, et repartons nous mouiller beaucoup plus loin, à l'entrée de la baie, en ruminant des pensées peu agréables à l'égard de l'enragé, qui, s'il devait couler devant nous ne reçevrait sans doute qu'une aide strictement légale (et encore). 

Nous avons pris l'habitude de toujours vérifier la tenue de notre ancre en plongeant, ce qui est plutôt agréable vu la faible profondeur, la luminosité et la temprature de l'eau. Aujourd'hui, pas de chance pour Eric qui s'est auto-désigné, il y a 30 mètres de chaîne par 9 mètres de fond et l'eau est totalement brouillée par du sable en suspension, on n'y voit goutte. Il lui faudra plusieurs essais pour arriver au bout de la chaîne et vérifier si l'ancre tient bien. Mais ces clowneries peu orthodoxes pour un marin breton nous assurent de bonnes nuits (on l'a déjà écrit peut-être ? C'est que le mouillage est un des seuls soucis permanents pour le marin, et nous essayons de devenir des marins). 

Nous sommes récompensés par l'ambiance à terre, au Foxy, petit resto très sympa où, pour un prix forfaitaire (et plus que raisonnable), on mange à volonté des poisons et du poulet grillé. S'ensuit une petite fiesta qui nous donne l'occasion de sympathiser avec les équipages des bateaux voisins, dont notamment un groupe d'étudiants de troisième cycle de Chicago qui ont tous vécu en Europe, qui parlent les uns allemand, les autres français etc... 

Après cette excellente soirée, retour en annexe : un léger détour nous permet de passer étonnemment près du catamaran "ennemi" évoqué ci-avant.  Peu rancuniers, nous gratifions ses occupants d'une douce berceuse, rythmée par de légers tambourinnements de semelles sur sa coque(Léééo, lé-é-é-o, etc, en canon à trois voix ivrognes) .  L'homme n'est pas mélomane, il n'est jamais venu nous remercier. Bref, très bonne soirée, qui laissera des traces chez les trois mêmes que la dernière fois...qui commencent à avoir un lourd passif.