On a raté le
dernier rendez-vous radio avec Claude et Margot, mais normalement, ils
sont partis hier matin pour Faka. Nous décidons donc de partir
nous aussi. Jean-Luc, inquiet pour l’avion qu’il doit prendre vendredi
pour l’Europe avec Véro, préfère rester à Rangi.
Soit, on les abandonne donc à leur triste sort, plage et soleil
pour quelques jours encore.
Comme annoncé
par Valérie et Gilles, Eole est vraiment de très mauvais
poil ces temps-ci, les vagues sont hérissées ; conditions
infernales pour le pauvre Ataram et son équipage. Grains sur
grains, pendant lesquelles ça souffle à 30-35 nœuds.
Pour ne pas être surtoilé dans les grains, on doit être
sous-toilé entre ceux-ci…Parce qu'on a pas le temps de modifier
la voilure entre les grains, qui dure 20 minutes toutes les 40. Ca nous
rappelle nettement une journée de navigation vers Fatu Hiva, aux
Marquises. Cap merdique, vitesse nulle, et en plus, comme annoncé,
2 noeuds de courant dans le nez ! 8 heures après notre départ,
nous avons parcouru 25 milles vers notre objectif. A bord,
deux vrais malades, un comateux et les autres mal en point, y compris les
z’ataramiens permanents, qui remonteront chacun à leur tour tout
verts de la cuisine ou de la table à carte. Seul Amin assure
vraiment (on va l’engager celui-là !). Ca tape dans tout les
sens. Vers 20 heures, nous avons un contact radio avec Claude, qui
nous apprend qu’il est rentré sur Moorea, vu le temps exécrable
; il a dit : « 35 nœuds dans le nez »…sans blague ! Notre
motivation à continuer à se faire branler deux jours de plus
tombe encore d'un cran et on décide de faire demi-tour. Après
tout, il y a encore un tas de choses à faire à Rangiroa,
quelques requins à taquiner, un peu de planche à voile, passer
une soirée autre soirée avec Gilles, Valérie et Aurélia
restés là-bas. Cette fois, Eole nous pousse dans le
dos, ainsi que le courant, et en 3 heures, on est de nouveau devant
la passe. Malheureusement il fait nuit noire et les passes la nuit,
on hésite à refaire ! On se met donc à la cape
devant l'entrée, dans les grains et un vent déchirant l'écume
à plus de 40 nœuds par moment. Pas la meilleure des nuits
qu'on ait passé en mer ! Mais Ataram se comporte très bien,
c'est rassurant pour l'avenir.
Ca y est, le soleil
perce les nuages, la pluie diminue, on va pouvoir entrer. On borde
les voile pour prendre un max de vitesse, on allume le moteur pour le cas
ou il devrait appuyer les voiles et on se lance. Le courant est sortant
et ça bouillonne comme jamais devant nous. On a l'impression
que la mer est en ébullition mais il faut passer. On passe
à travers les bouillonnement extérieurs sans trop se faire
secouer et on pénètre dans la passe proprement dite.
Là, c'est l'horreur, des vagues énormes déferlent
de partout. Tous sur le pont on se regarde hébété;
il faut absolument maintenir le bateau dans la ligne des vagues, surfer
droit, sinon c'est la catastrophe, l'embardée, le mât dans
l'eau puis la collision avec le récit. Le barreur sue dans son ciré.
Les autres aussi sans doute. Trois vagues sont négociées,
il n'est plus question de faire marche arrière, le moteur à
son régime max. La quatrième nous prend inévitablement
par le travers et c'est l'embardée; Ataram se met en travers de
la vague, prend de la gîte et on file vers le récif.
On parvient à redresser mais Ataram file dans l'autre sens, tel
une voiture incontrôlable sur le verglas. Mais on récupère
la bonne trajectoire, tous verts de peur. On sort des déferlantes.
L’appui du moteur reste nécessaire pour entrer dans l’atoll car
le courant sortant est très fort. Probablement à cause
des conditions météo : les vagues passent au-dessus du récif,
et remplissent le lagon : c’est le phénomène dit de «
l’ensachage ». Le trop plein s’évacue par les passes,
il n’y a plus d’inversion de courant due à la marée, le courant
est sortant tout le temps, seule sa force varie. Mais on arrive quand
même à rentrer. Il ne nous reste plus qu'à poser
l'ancre et à roupiller pour récupérer de notre (très)
courte nuit.
Mais la sieste elle-même
sera brève, tout le monde vient aux nouvelles : les monos du centre
de plongée, Gilles, et surprise, Laurent, copain d’univ que l’on
a plus vu depuis quelques années, et sa femme Sophie, qui sont en
voyage de noce en Polynésie. On est tous ravis de retrouver
des bruxellois ! Laurent et Sophie nous invitent à manger dans leur
très chic hôtel de lune de miel. Excellente soirée
cancan. Le lendemain, c’est à notre tour de les inviter.
Mais ils ne supportent pas le roulis d’Ataram. On va donc squatter
la terrasse de leur joli bungalow sur pilotis, improvisant un diner-camping
avec couverts plastiques, bière en canette et en vedette, la lasagne
de Philippe. La tête héberluée des voisins vaut
le coup. On adore ! Seconde soirée cancan, souvenir du «
bon vieux temps », nouvelles de copains communs, et des autres.
Génial, tout-à-fait ce qu’il nous fallait.
Nuit un peu mouvementée
car le vent a encore soufflé fort, faisant rouler Ataram au mouillage.
Rien de comparable cependant avec la nuit précédente et on
est de nouveau en pleine forme pour quelques plongées et autres
excursions en planche à voile.