Journée du 13 avril 98 : Arrivée à Colon, port de Cristobal
 
Toujours sous spi, vers le canal.  On garde la toile toute la nuit ; cela demande des quarts vraiment attentifs, mais c’est « rentable », on abat de la route.   

Peu après le lever du soleil, la terre apparaît !  Bientôt, nous pouvons remettre un point sur la seule carte de la traversée que nous ayons : celle des abords de Port Cristobal. 

On voit de plus en plus de bateaux qui convergent vers l’entrée du canal.   

Bientôt on aperçoit les énormes grues des installations portuaires, dressés dans le ciel.  On arrive devant le brise-lame qui ferme la baie de Port Cristobal.  D’énormes balises en marquent l’entrée.  La houle Atlantique se brise sur les tonnes de béton; interdite d’accès, là-bas, c’est vers le Pacifique. Devant la baie, dans la zone d’ancrage, des tas de bateaux, cargos, tankers, porte-conteneurs.  On entre sous voile sans savoir si c’est permis, puisque que l'on ne dispose pas des instructions nautiques…(ah oui, on ne vous a pas dit qu’en plus des cartes, nous n’avions pas non plus de documents nautiques…bonjour les blaireaux !).  Passé le brise-lame, la mer se calme, instantanément.  Ataram glisse entre les énormes bêtes d’acier au mouillage.  Nous repérons bientôt des mâts de voiliers qui nous permettent de savoir où aller (la tribu des voileux étant très grégaire, elle se mêle peu aux tankers de 255000 tonnes, préférant la fréquentation de ses congénères). 

Toujours sous voile, nous entrons dans la marina du Panama Canal Yacht Club.  On se fait une petite place à quai (il doit y avoir 30 centimètres sous la quille).  Voilà, on y est !  13 avril, 12 heures 30.   

On va pouvoir démêler la rumeur.  

Les formalités s’enchaînent.  D’abord l’immigration pour l’équipage, ensuite la douane pour le bateau.  Problème : pour entrer au Panama, il faut présenter la clearance out (zarpe en espagnol administratif, autorisation de sortie du pays, qui indique que l'on quitte le pays en règle) du dernier port.  Or en Haïti, nous n’avons pas trouvé de bureau de douane dans les endroit où nous étions ; nous n’avons donc aucun document pour le bateau… Futé, nous décidons de déclarer que nous arrivons de La Romana, en République Dominicaine.  Bien vu, on ne trouve pas la zarpe de là-bas.  Bien embêté, on explique au fonctionnaire que l’on va revenir avec…  Bien entendu, de retour au bateau, on a beau le retourner dans tous les sens, pas de zarpe.  Chouette !  Il est bien sûr impossible d’entamer les formalités de passage du canal, auprès de la Panama Canal Commission sans avoir réglé tous les formalités de douane.  Cela présage quelques heures réjouissantes … 

Mais la bonne nouvelle, c’est que les rumeurs semblent infondées ; le canal n’a pas augmenté et le prix du passage n’est pas sciemment ralenti. Il y a néanmoins un peu plus d’attente parce que de nombreux bateaux se sont précipités pour éviter l’augmentation annoncée… A bas les rumeurs et les colporteurs de rumeurs ! 

Nos voisins de quai sont des finlandais de notre âge.  Ils ont une planche sur leur bateau, ils font aussi de la plongée, ils ont un programme similaire au nôtre, puisqu’ils prévoient de rentrer en Finlande en septembre 1999, mais par l’océan Indien et la mer Rouge.  Plus amusant, on apprend qu’ils ont un ordinateur à bord, et un téléphone satellite.  Et à quoi cela leur sert-il ?  A entretenir un site et à envoyer des e-mails à …des classes finlandaises qui suivent leur voyage.  Ils sont sponsorisés par différents organismes, dont une institution d’Helsinki compétente pour des matières d’éducation, le Helsinki education department !  Nous ne sommes donc pas très originaux !  Par contre, malgré nos retards hallucinants, nous avons rencontré plus forts que nous : parti depuis le 2 août 1997, ils ont mis plus de 6 mois pour avoir un site en ordre de marche…Sans nous donner bonne conscience, cela nous console.  Et, devinez quoi… plus prévoyant que nous, ils ont embarqués trois ordinateurs; et bien, deux sont en panne.  Cela ne présage rien de bon pour nous !  Ils font aussi une émission radio quotidienne, ce que nous espérons pouvoir faire dès que nos ennuis de téléphone seront réglés.  Bref, ils nous ont volé toute nos idées !  

Vous pouvez les lire (pour le moment uniquement en finlandais, mais ils espèrent une traduction rapide en anglais) : www.renata.edu.hel.fi 
Vous pouvez même leur écrire : renata @edu.hel.fi 
Ils sont trois, Antti, Reko et Sanna sur Renata, sloop en bois de +/- 10 mètres.  

Notre conversation nocturne s’achève bientôt, ils passent le canal demain.