Journée du 28 avril 98 : Passage du Canal
 
Puisqu’on a pris des précautions en cas de retard, il n’y a pas une minute de retard, normal.  On lève l’ancre à 6 heures avec deux pilotes à bord.  L’un est stagiaire, c’est lui qui dirigera.  L’autre le surveille plus ou moins.  Le temps est beau.  On va pouvoir profiter de la traversée. 

Il est décidé qu’Ataram passera entre deux bateaux plus petits.  Ayant lu attentivement les explications sur le passage du Canal, vous en concluez immédiatement que nous n’aurons rien à faire, sinon le barreur.  C’est tout à fait ça !  La position centrale nous désigne pour gouverner l’ensemble (et fournir l’essentiel de la puissance), et donc de faire l’arbitre entre les deux bateaux extérieurs, dont le seul souci est de s’éloigner de la paroi de l’écluse, très rugueuse.  Tout se passe très bien.  Grâce au bon temps, nous pouvons prendre un raccourci sur le lac Gatun, qui nous permet de voir la jungle d’encore plus prêt.   

Bonne nouvelle, nous passerons en un jour.  Ce n’est pas que la nuit sur le lac soit désagréable, mais il faut varier les plaisirs et nous avons des tas de trucs à faire à Panama.  La descente se passe aussi bien que la montée, mais nous ne sommes plus au centre mais  à couple d’un seul bateau.  Il y a donc des liners au travail d’un côté.  A 16 heures locales, Ataram est dans le Pacifique, à une bouée devant le Balboa Yacht Club. 

Nous découvrons la joie de danser au rythme des cargos qui passent.  Le mouillage est situé tout à coté du chenal, et les bateaux, parfois énormes, passent très près, et assez vite.   

Nous redécouvrons la marée aussi.  Quasi inexistante coté Atlantique, elle est ici de 4 à 5 mètres.  Elle entraîne bien sûr des courants, et donc les bateaux tournent autour de leur bouée au rythme de ces courants.  Le côté où l’on reçoit les vagues des cargos varient.   Ces nouvelles sensations ponctuent notre première nuit. 
 

Ca y est, cette fois nous sommes certains de pouvoir continuer ce voyage que Brel exalte dans une chanson inédite (la cathédrale) : 

(...) 
Putain les Antilles sont belles 
Elles vous croquent sous la dent 
On se coucherait bien sur elles 
Mais repartez de l'avant 
Car toutes cloches en branle-bas 
Votre cathédrale de voile 
Transpercera le canal 
Le canal de Panama 
Prenez une cathédrale 
De Picardie ou d'Artois 
Partez cueillir les étoiles 
Mais ne vous réveillez pas 

Et voici le Pacifique 
Longue houle qui roule au vent 
Et ronronne sa musique 
Jusqu'aux îles droit devant 
Et que l'on veuille bien vous absoudre 
Si là-bas bien plus qu'ailleurs 
Vous tentez de vous dissoudre 
Entre les fleurs et les fleurs 
Prenez une cathédrale 
Hissez le petit pavois 
Et faites chanter les voiles 
Mais ne vous réveillez pas 
Prenez une cathédrale 
De Picardie ou d'Artois 
Partez pêcher les étoiles 
Mais ne vous réveillez pas 
Cette cathédrale de Pierre 
Traînez-là à travers bois 
Jusqu'où vient fleurir la mer 
Mais ne vous réveillez pas 
Mais ne vous réveillez pas."