Puisqu’on
a pris des précautions en cas de retard, il n’y a pas une minute
de retard, normal. On lève l’ancre à 6 heures avec
deux pilotes à bord. L’un est stagiaire, c’est lui qui dirigera.
L’autre le surveille plus ou moins. Le temps est beau. On va
pouvoir profiter de la traversée.
Il est décidé
qu’Ataram passera entre deux bateaux plus petits. Ayant lu attentivement
les explications sur le passage du Canal, vous en concluez immédiatement
que nous n’aurons rien à faire, sinon le barreur. C’est tout
à fait ça ! La position centrale nous désigne
pour gouverner l’ensemble (et fournir l’essentiel de la puissance), et
donc de faire l’arbitre entre les deux bateaux extérieurs, dont
le seul souci est de s’éloigner de la paroi de l’écluse,
très rugueuse. Tout se passe très bien. Grâce
au bon temps, nous pouvons prendre un raccourci sur le lac Gatun, qui nous
permet de voir la jungle d’encore plus prêt.
Bonne nouvelle,
nous passerons en un jour. Ce n’est pas que la nuit sur le lac soit
désagréable, mais il faut varier les plaisirs et nous avons
des tas de trucs à faire à Panama. La descente se passe
aussi bien que la montée, mais nous ne sommes plus au centre mais
à couple d’un seul bateau. Il y a donc des liners au travail
d’un côté. A 16 heures locales, Ataram est dans le Pacifique,
à une bouée devant le Balboa Yacht Club.
Nous découvrons
la joie de danser au rythme des cargos qui passent. Le mouillage
est situé tout à coté du chenal, et les bateaux, parfois
énormes, passent très près, et assez vite.
Nous redécouvrons
la marée aussi. Quasi inexistante coté Atlantique,
elle est ici de 4 à 5 mètres. Elle entraîne bien
sûr des courants, et donc les bateaux tournent autour de leur bouée
au rythme de ces courants. Le côté où l’on reçoit
les vagues des cargos varient. Ces nouvelles sensations ponctuent
notre première nuit.
Ca y est, cette fois nous sommes certains
de pouvoir continuer ce voyage que Brel exalte dans une chanson inédite
(la cathédrale) :
(...)
Putain les Antilles sont belles
Elles vous croquent sous la dent
On se coucherait bien sur elles
Mais repartez de l'avant
Car toutes cloches en branle-bas
Votre cathédrale de voile
Transpercera le canal
Le canal de Panama
Prenez une cathédrale
De Picardie ou d'Artois
Partez cueillir les étoiles
Mais ne vous réveillez pas
Et voici le Pacifique
Longue houle qui roule au vent
Et ronronne sa musique
Jusqu'aux îles droit devant
Et que l'on veuille bien vous absoudre
Si là-bas bien plus qu'ailleurs
Vous tentez de vous dissoudre
Entre les fleurs et les fleurs
Prenez une cathédrale
Hissez le petit pavois
Et faites chanter les voiles
Mais ne vous réveillez pas
Prenez une cathédrale
De Picardie ou d'Artois
Partez pêcher les étoiles
Mais ne vous réveillez pas
Cette cathédrale de Pierre
Traînez-là à travers
bois
Jusqu'où vient fleurir la mer
Mais ne vous réveillez pas
Mais ne vous réveillez pas."