Le lendemain
nous trouve errant dans une ville déserte. Le week-end n’est
pas jour de sortie mais plutôt d’exil dans les montagnes ou de coconing
pour les gens « de la ville ». Heureusement, on croise
des français expatriés qui nous vantent les charmes de leur
village, à quelques heures de marche de là. On y part
en fin de matinée, ce qui nous permet de nous trouver à nouveau
en train de faire de la marche en montagne sous le soleil de midi.
Ca devient une habitude ! Le village valait le déplacement.
Niché au débouché d’une vallée, au bord de
l’océan et au pied des montagnes qui forment le demi-cirque de la
baie dont Atuona occupe l’autre coté, il vraiment très beau.
En plus ici, le week-end, tout le village, enfants, femmes, ado, veillards,
hommes, se réunit sur la plage pour la journée pour jouer
au football, au volley, et faire de grands festins. Les matchs mêlent
les âges et les sexes, et sont l’occasion de grands éclats
de rires des joueurs comme des spectateurs. Pour se refroidir, les
enfants vont faire un peu de body board dans les vagues pendant que les
mamas préparent le festin. La belle vie pour toute la communauté
! Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ils connaissent
leur chance : ils savent que pas très loin, à Papeete, des
gens vivent dans le stress, isolés de leur famille, payent leur
fruit et leur poisson. Les jeunes nous vantent leur vie « cool
», libre. Il doit bien avoir un défaut, mais on ne l’aperçoit
pas vraiment. Enfin si, en creusant un peu, on se rend compte que
leur vie est tellement cool que parfois, ils s’embêtent un peu les
jeunes. Du coup ils boivent. Beaucoup, jusqu’à être
assommé. Cyril, avec qui on fait connaissance, nous
invite d’ailleurs à fêter la fête des pères à
leur manière, en « buvant jusqu'à la mort ».
Pas certains de tenir la distance avec ces brutes surentrainées,
on ne promet pas d’être là…
Près du village,
se trouve un des plus grands marae de Polynésie. Ce centre
de la vie culturelle et religieuse des anciens polynésiens se trouve
dans le fond de la vallée, là où se trouvait jadis
les villages. Nous marchons une petite heure pour arriver sur ce
site qui pourrait devenir le « Machu pichu » des Marquises
s’il était dégagé de la végétation qui
l’envahit. Seule une petite partie à fait l’objet d’une mise
en valeur ; elle permet de mesurer l’ampleur des constructions que l’on
devine. Une atmosphère très forte se dégage
de cet endroit alors que le jour tombe, mais encore plus forts, les centaines
de moustiques qui profitent de l’aubaine que constitue nos chairs fraîches
nous poussent à battre en retraite.
Bien entendu
la nuit tombe alors que nous ne sommes pas à la moitié du
chemin. Heureusement, un pick-up passe, un pouce tendu, et hop, nous
voilà rendu au bateau. De plus, c’est une famille de cueilleurs
de fruit qui nous a emmené, et on reçoit des sacs entiers
d’oranges. Pas question de refuser, même nos « mercis
» empressés paraissent incongrus à ces gens pour qui
le partage des ressources naturelles est une évidence ancestrale.
Le langage marquisien ne comprenait d’ailleurs pas le mot « merci
», car le don était naturel, tant que son objet était
le fruit de la nature. Le donataire ne faisait que recueillir un
bien commun, et le don était un partage normal. Cet esprit baigne
toujours les relations avec les Marquisiens. C’est très agréable
et on finit soi–même par réapprendre a donner sans aucune
arrière pensée, sans espoir caché de réciprocité.
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