Puerto Ayora
a changé depuis les Moitessier, Heyerdhal et autres… Il est devenu
difficile d’identifier les deux-trois demeures de « colons »
européens dont ces auteurs nous parlent. Le lait ne descend
plus des fermes perchées sur les flancs du volcan à dos d’ânes
(mais des camions en descendent le meilleur yaourt à boire que l’on
ait jamais goûté : on en englouti un galon (3,84 litres) à
trois chaque matin). Les habitants, équatoriens comme européens,
ne sont plus « avides de contacts avec les équipages des yachts
», même s’ils restent très accueillants. Les propriétaires
des dizaines de magasins de souvenirs qui bordent le front de mer sont
plutôt avides des dollars des touristes. La ville a plutôt
des airs de sous-préfecture éloignée de la capitale,
mais tournée vers elle, que d’un village perdu dans l’océan
que des chercheurs partageraient avec quelques pêcheurs. Cette
impression est renforcée, quand nous arrivons, par la préparation
de la campagne électorale, à la fois présidentielle,
législative et provinciale. Au cours de la semaine,
la fièvre électorale va saisir progressivement toute la ville,
prétexte à des fêtes en plein air, où des nombreux
groupes de musique agrémentent des discours-fleuves très
« harangues latines », et des défilés de voiture,
pick-up, scooters, camion, dont le nombre de participants pour chaque liste
nous paraît dépasser le nombre d’habitants de l’île.
Les pélicans-sentinelles
postés sur les bites d’amarrage du port et les otaries qui squattent
les annexes et les jupes des bateaux observent cette agitation humaine
d’un œil morne. Le bruit déplait manifestement aux otaries,
car elles choisissent des bateaux un peu plus éloigné pour
dormir. Ataram aura sa squatteuse, qui viendra plusieurs nuits ronfler
(fort !) dans la jupe ou dans l’annexe. Le matin, elle souffle et
râle quand on doit lui expliquer que l’on entend bien aller à
terre avec notre annexe, en passant par la jupe !
Même ici, les
z’ataramiens vont se prêter à leur sport favori : l’entretien
d’Ataram. Et, à leur grande surprise, ils vont trouver largement
tout ce qui leur faut. Même les voiles vont être réparées
: nous les confions à un tailleur qui, d’ordinaire, fabrique des
sous-vêtements féminins. Il refera une garde-robe valable
à Ataram…
Le soir, les z’ataramiens
mangent souvent avec leurs amis les yachties. On commence à se faire
pas mal d’amis sur les bateaux. Ensemble, nous envahissons les restos
de Puerto Ayora, formant de grandes tablées cosmopolites (à
dominance française). Nous déteignons un peu parmi
ces familles et ces couples, mais on est accueilli bras ouverts.
Ces repas sont l’occasion pour nos amis de nous apprendre à vivre
en bateau. Ils sont en effet désolé de nous entendre
dire que nous maigrissons en traversée, que nous ne faisons pas
notre pain, que nous ne pêchons rien. Les conseils pleuvent,
les recettes aussi. Désormais, nous rattraperons les kilos
perdus.
Outre ces activités
, les z’ataramiens visitent l’île. Le samedi, la station Darwin,
base scientifique d’observation de la faune et de la flore des Galapagos,
où l’on élève des tortues de races en extinction pour
les réintroduire dans les îles dont elles sont issues (il
y a des espèces propres à chaque île).
Le dimanche, les z’ataramiens
vont à Tortuga Bay, jolie plage de sable blanc que l’on atteint
en empruntant sur plusieurs kilomètres un chemin en pierre volcanique
creusé dans la végétation tropicale particulière
de l’île, notamment des cactus géants.
Le lundi ils bricolent,
et, incroyable, font du sport.
Le mardi, les z’ataramiens
font de la marche pour escalader le volcan qui surplombe l’île.
Au premier embranchement, ils se gourent : ils rejoindront le sommet après
plusieurs heures de progression pénible dans une végétation
basse mais très dense, faite de sorte de fougères, de mousse
et d’épineux, dans laquelle ils se perdent parfois jusqu’à
la taille. Ils retrouvent en haut un camarade de bateau, amusé,
qui, lui, est monté par le chemin.
Le mercredi, ils plongent,
les z’ataramiens. Grâce au beau diplôme de Pierre, on
est tous emmenés à Gordon Rocks, plongée réputée
difficile en raison de courants puissants, non seulement horizontaux mais
aussi ascendants et descendants. Superbe endroit, rochers découpés
comme des dents à un mille au large des côtes. On voit,
outre des centaines de poissons, des tortues, des requins dits «
des Galapagos », requins de récifs, requins dormeurs, et,
assez rare aussi loin des côtes d’après le guide, des iguanes
marins.
Le jeudi, ils bricolent,
et ils écrivent à leurs camarades des écoles pour
compenser l’absence de courrier électronique.
Le vendredi, ils s’en
vont. Ils vont passer par Sante Fe, dans une baie rendue célèbre
par Moitessier, qui y a relâché un bon bout de temps.
Comme Genovessa, ils ne sont pas censé mouiller là, mais
ils ne resteront qu’une fin d’après-midi et une nuit. Le temps
d’une promenade parmi les iguanes terrestres, caractéristiques de
l’île.
Le samedi, départ
de l’archipel des tortues géantes (la signification de « Galapagos
» en espagnol) pour « la terre des hommes » («
te fenua enata », le nom polynésien des îles marquises).
2970 milles à
courir, ce qui sera probablement la plus longue traversée du voyage…