Journée du 9 avril 98 : En route pour  Panama
 
Aujourd’hui, nous partons affronter une deuxième rumeur : la route directe vers Panama nous obligerait à affronter une mer vicieuse, des courants de face et même parfois du vent à contre.  Pourtant en relisant les pilots charts et les bouquins que nous avons, nous ne trouvons pas trace de ces avertissements.  Il est vrai que l’escale haïtienne n’est pas très courante pour un bateau à voile, et donc que cette route directe n’est pas très fréquentée.  Or les avertissements les plus inquiétant émanaient d’un shipchandler français de Marigot, à Saint-Martin, qui prétendait avoir navigué dans le coin (mais avec un bateau à moteur).  Soit, on va bien voir.

En tout cas, on a eu le nez très fin en choisissant notre jour de départ ; pour la première fois depuis que nous sommes en Haïti, un vent fort et régulier s’est levé.  On quitte l’île à vache à midi pour profiter de cette « fenêtre météo » favorable, très fier de notre flair… Plus que 700 milles !

Ataram fonce vers l’Amerique centrale avec tout dessus.  La mer, sans être forte, est peu confortable ; deux houles se croisent et les mouvements du bateau sont irréguliers.  Manifestement, les mousses d’Ataram se sont « désamarinés » pendant ces 10 jours à terre.  Nous ne sommes pas très vaillants, mais on fonctionne automatiquement, en négligeant ce léger mal de mer qui s’installe.  Pour ne pas se démoraliser, on ne parle pas de notre état mutuel, on s’observe plutôt à la dérobée.

Petit raffinement de notre navigation : elle aura lieu sans carte.  Nous n’en avions pas acheté en Europe, car nous n’étions pas certains du trajet que nous emprunterions.  Ensuite, nous n’en avons pas trouvé qui nous convienne.  Tout ce que l’on sait, de mémoire, c’est qu’il n’y a que de l’océan entre l’entrée du canal et nous.  On entre un waypoint dans le GPS, situé à 623 milles, au large de l’entrée, et hop, on fonce dessus.

La nuit arrive, baignée par la lune.  Les quarts se passent bien.  On supporte mieux nos petits malaises dans la fraîcheur de la nuit, sachant qu’après notre quart on gagne des heures de sommeil…