Quels chiens
ces Quemchiens ! Quels rats ces Quemchois ! A Quemchi, z’ont piqués
notre moteur hord-bord qui dormait tranquillement sur l’annexe, par une
nuit sans lune. Les autorités compatissent, mais ne semblent
pas prêtes à se lancer dans une opération de rafle
de grande envergure pour le récupérer… Dommage, c’est probablement
dans les deux mois à venir que l’on aurait eu le plus d’usage de
notre petit moteur. Et quant à en racheter un, ça ne cadre
plus, mais alors plus du tout, dans le budget. Déjà,
pour s’approvisionner en vivre à Valdivia, fallait voir la tête
des cartes Visa, sucées jusqu’au bout de ce qu’elles pouvaient donner.
A tel point qu’on était
parti en mer, vite, vite, pour n’avoir plus rien à payer.
La précipitation, si l’on peut utiliser ce terme après trois
semaines d’attente, est l’ennemie de la bonne préparation.
Au près dans la mer formée de la Bahia Corral, c’est-à-dire
l’entonnoir dont nous craignions il y a trois semaines de devoir
sortir face au vent et au courant –haha- on prend note, entre deux douches,
des travaux mal réalisés, et des problèmes nouveaux
: une fuite s’est déclarée au niveau du chauffage auxiliaire
que nous avons fait installé, sur le circuit de refroidissement
du moteur : résultat : le moteur chauffe. Les taquets coinceurs
des bosses de ris, révisés, sont maintenant tellement souples
qu’ils ne coincent plus nos bouts, certes considérablement diminués
par l’usure. N’empêche que des ris qui lâchent dans les
conditions actuelles, c’est pas très confort. Et puis, allez
savoir pourquoi, tout le module vent de la centrale de nav nous dit merde.
Il ne nous dira plus d’où vient le vent, à combien de nœuds
il souffle, et son camarade le cadran VMG ne nous dira plus quel est le
meilleur compromis cap-vitesse quand on remonte au vent ou quand on tire
des bords de grand largue. Bah, on va donc « affiner notre
sens marin ». Pour la direction du vent, suffit de lever le
nez, pour sa vitesse, c’est égal, on prend un ris quand les winchs
sont dans l’eau ; quant au VMG, on ne l’a jamais beaucoup employé…
Mais la fuite et les
bosses nous contrarient quelque peu, et au bout d’une heure, on décide
d’aller sonner les cloches à nos réparateurs-bousilleurs
: demi-tour, et préparation d’une liste d’injures en espagnol et
en anglais. Trois heures de nav pour revenir et remonter le Rio,
on a déjà téléphoné à nos amateurs.
Les injures ont fait leur effet : ils sont là rapidement, et se
mettent au boulot.
24 heures après
notre premier départ, on est prêt. Le vent souffle fort,
jusque dans le Rio. La météo annonce jusqu’à
30 nœuds de vent. Petite hésitation…Calcul de marée
pour le passage du canal de Chacao, qui sépare l’île de Chiloé
du continent, où les courants peuvent atteindre 9 nœuds. Manifestement,
il serait malin de partir en fin d’après midi. Allez, hop,
on coince tout à bord, on se déguise en coureur de Whitbread
dans le grand sud, et c’est parti.
Dehors, le vent tombe
au fur et à mesure que l’on avance, il va finir par manquer !
Et il est plein sud ! On va tirer des bords, ou progresser au moteur
quand le vent, toujours plein sud, faiblit dans une mer encore formée,
contre le courant de Humboldt, qui nous repousse vers le nord à
presque plus d’un nœuds, pendant 36 heures. Mauvais amarinage pour
nos visiteurs : Anne déclare forfait assez vite. Bobby est plus
vaillant, mais pendant son quart de nuit, qu’il a insisté pour prendre,
il doit se plier aux impératifs de son estomac, qui a décidé
pour lui que ça suffisait.
Chance, on a eu de
bonnes infos pour la marée, et on avait bien estimé notre
progression d’escargot : on arrive donc juste dans les temps pour
embouquer Chacao. Ataram file à 12 nœuds, poussé par
le courant d’ouest. On découvre notre nouvelle
aire de jeu : superbe. Ca doit ressembler un peu à l’Irlande
et à l’Ecosse, à la baltique aussi, en Suède ou au
Danemark, mais on n’est pas formels, on n’a jamais navigué là-bas.
Nous voilà dans
le Golfe d’Ancud. Au fond, à l’est, les sommets enneigés
de la cordillère des Andes se devinent à peine, à
droite Chiloé, devant quelques îles. A cinq heures,
on se glisse entre l’île Caucahue et Chiloé pour aller mouiller
devant la petite ville de Quemchi. Au détour du chenal, un
voiler apparaît : des hollandais ! Voyant notre bel autocollant
« Port de Bruxelles – Haven van Brussel », ils se portent à
notre hauteur et se lance dans un long monologue dans la langue de Vondel.
C’est à peine si l’on ne répond pas en espagnol ! Nos
rudiments de néerlandais se sont enfuis sous quelques couches de
mauvais anglais et de balbutiements espagnols ; la conversation est pauvre,
mais chaleureuse.
Puis on se sépare,
et nous mouillons devant Quemchi.
Petite ballade à terre le soir, puis gros gros dodo. Le matin
au réveil, Eric qui veut aller chercher un petit déj ne trouve
plus l’annexe. Panique. S’est-elle détachée ?
Alors elle a dû dériver vers le fond de la baie ou la plage…Il
l’aperçoit sur la plage, mais sans moteur. On gonfle l’autre annexe,
on se rend à terre. Pas de moteur, mais les rames, et une
annexe intacte. Quelqu’un aurait-il rangé le moteur pour que
l’on ne le vole pas ? Après une rapide enquête, nos espoirs
s’envolent. On nous l’a piqué notre moteur ! On n’avait
pas réussi ça aux Antilles, où on vole les annexes
comme les mobylettes sur la côte belge en été, ni nulle
part ailleurs. Et nous voilà sans moteur quand il va être
réellement utile ! On perd la journée en démarche,
de carabineros en gobernacion maritima, et en coups de fil à notre
pote Loïc, français qui travaille chez « Motonautica
», un des gros shipchandlers de Santiago. Pas de solution miracle
pour le moment, pas d’occasion, et le neuf coûte cher cher cher…
Tant pis on s’en va,
pas question de rester chez les « ladrones » (voleurs).
On fait comme si on nous avait volé le moteur du bateau : tout à
la voile. On remonte patiemment le chenal sous trinquette, puis en
gréement de cotre en déroulant le génois quand le
vent tombe un peu. Ces longues journées sont un plaisir, on
peut naviguer jusqu’à 22 heures. A 21H15, nous mouillons entre
l’île Mechuque et Lanihue, prêt d’une ferme à saumon.
Le petit village, aux maisons de bois est joli comme tout. Des bateaux
de pêches de toutes les couleurs sont posés sur le sable aux
pieds de maisons sur pilotis. Des ponts de bois relient plusieurs parties
du village. L’eau est comme un lac. On va dormir comme des
bébés.
Le lendemain exploration
des deux îles le matin. Les gens sont gentils, et poliment
curieux; ils semblent toujours amusés de voir des étrangers
venir se promener à la voile dans leurs îles. A deux
heures, départ pour une courte étape vers le sud. Partis
au moteur, on peut bientôt hisser, le vent - de sud - s’étant
levé.
Arrêt dans une
grande baie, à peine protégée du vent, sud tournant
à l’ouest. Normal, puisque l’on va demain vers le soleil couchant.
Mais Eole se calme la nuit.
Le lendemain, calme
plat. On fait 13 petits milles au moteur pour venir se glisser dans
le très beau mouillage de Quehui. Fermé de toute part
par des collines, c’est comme un lac parfaitement concentrique, dans lequel
on pénètre par un chenal qui ne fait pas plus de trente mètres
de large à marée basse.
On fait une promenade
faite de demi-tour, car les chemins de l’île sont des culs-de-sacs
menant chaque fois à une habitation à l’intérieur
des terres. Ici, il y a quelques voitures, ce qui n’était
pas le cas aux deux escales précédentes. Mais le moyen
de transport traditionnel est le
traîneau de bois, tracté par deux bœufs. On en croise
un, accompagné de toute une famille, qui transporte en tout et pour
tout une bouteille de gaz. Rencontre qui demande de l’anticipation,
les chemins n’étant pas assez large pour les deux bêtes de
front qui empiètent largement dans la végétation bordant
le chemin. Il faut se garer, l’attelage ne s’arrête pas.
Ici, la traditionnelle
église de bois est située à l’extrémité
d’un grand champ d’herbes, qui semble faire office de place du village,
mais qui aussi un terrain de foot. Un des goasl donne sur le parvis
de l’église. Ca vaut combien un goal à Jésus
?
Jeudi 24 décembre,
c’est Nowel ! Feliz navidad ! On va fêter ça à Castro.
Jolie navigation d’une vingtaine de milles, vers le nord-ouest, d’où
le vent souffle bien entendu. Il faut remonter un chenal pendant
quelques milles, pour atteindre la ville, qui est nichée au fond.
On croise le Skorpio, bateau qui emmène des touristes à la
laguna San Raphaël.
Castro, c’est un mini
San Francisco. Frisco a du ressembler à cela au milieu du
XIXe siècle : maisons de bois très colorées, accrochées
aux flancs d’une colline, des rues en toboggan et d’interminables escaliers
descendant vers le port. Au sommet de la colline, la grand place, sur laquelle
s’élève une cathédrale de bois peinte en mauve et
orange ! L’intérieur, tout en bois vernis est superbe.
Le long de l’eau, un marché artisanal et l’enchaînement des
« palafitos », restaurants sur pilotis qui servent des plats
traditionnels à prix doux. L’équipage d’Ataram y fêtera
noël, ratant la messe de minuit dans la cathédrale ; la messe
de minuit avait lieu à …22h 30.