Le jeudi 18 février, nous
avons décidé de partir si les vents le permettent…Le baro
est très pessimiste, à 977. Le vent monte en début
d'après-midi. Il lève une petite mer courte dans la baie.
Les bateaux s'entrechoquent sur le ponton. Ces conditions immobilisent
Swan Lake et F'Murr, qui veulent partir les uns pour les Fakland, les autres
pour Buenos Aires. Mais nous, on doit juste descendre le Beagle
sur 25 milles. Et puis, on est des balèzes non maintenant
? Ben oui. Donc, on y va à 17 heures. Juste un
peu tard…On se fait cueillir par un très gros coup de vent près
de l'arrivée. Dommage, pour rentrer à Puerto Williams,
il faut tourner autour d'une bouée, et revenir un peu sur ces pas…Le
vent qu'on avait dans le dos, qui nous poussait à plus de huit nœuds
sous un tout petit bout de génois, on l'a dans la g… On étale
à peine au moteur… C'est un peu laborieux, mais on fini au Micalvi,
à couple de Kotic II ; Igor, le fiston d'Oleg était
là pour nous prendre les bouts. Valhala est là aussi.
Ils partent tous deux pour un "cap Horn - Glacier", c'est-à-dire
un petit tour au Horn suivi d'une remontée du Beagle jusqu'aux nombreux
glaciers qui y vêlent. On aura donc de la compagnie au cap
! Car ce coup-ci, on ne traîne pas, on fait les papiers dès
notre arrivée, y compris ceux du départ. Pas si simple
pourtant. On voudrait une autorisation "Cap Horn", mais une
sortie définitive du Chili, pour aller tout de suite aux Falkland
après le Cap. Ha, interdit, pas possible ! Pour le Horn,
faut partir, et revenir à Puerto Williams ! C'est devenu d'abord
une épreuve administrative ce cap ! Discussion, discussion,
ok, on peut y aller, mais pas question de débarquer encore sur la
terre chilienne… On ne pourra donc pas débarquer sur le rocher.
Soit, au moins, on ne devra pas remonter le Beagle, ca vaut tout… Même
si on ne pourra donc pas acheter le beau "diplôme de cap hornier"
que délivre l'armada du Chili. Un beau document, avec même
un bel ode au cap et aux marins qui l'ont affronter. A se prendre
pour Magellan et Le Maire réuni… On s'en passera ! Outre
notre paperasserie, Pierre a le temps d'aider Philippe Poupon, en vacances
dans le coin avec sa petite famille, a s'en sortir avec la sienne (de paperasserie).
On repart donc avec nos jolis papiers, avec
un peu l'impression d'avoir fait un détour inutile…M'enfin, on est
en règle maintenant. Le lendemain, assez tard, on quitte définitivement,
pour l'administration, la terre Chilienne. Vamos en el cabo
de Hornos. On voyage avec Valhala, belle goélette en acier
qui fait du charter dans le coin. Il nous servent de guide dans une
chasse aux baleines au milieu du Beagle. La première escale
"classique" pour le tour du Horn, est Puerto Toro, le village le plus …austral
du monde, vous avez gagnez une place sur Ataram II. On peut y échanger
de délicieux centoyas (gros crustacés) contre n'importe quoi
de mangeable auprès des pechous du coin. Mais le village est
surtout une base militaire. Pour des gars qui n'ont plus le droit
de mettre un pied à terre, ce n'est peut-être pas l'escale
rêvée… On continue donc jusqu'à l'isla Lennox,
où l'on rejoint Kotic II. Nuit très très ventée,
on est secoué.
Le lendemain, on hésite un peu à
continuer, on prendrait bien la météo auprès de Kotic.
Mais pendant qu'on s'interroge, on le voit qui lève l'ancre.
On s'empresse de faire de même, et on se retrouve régatant
dans la baie Nassau. Sportif, il a coupé son moteur.
Le vent n'est pas assez fort pour le poids de son tank, et bientôt,
on le rejoint et on le dépasse…Mais le vent tombe en fin d'après-midi.
Notre pauvre perkins est écrasé, et on est redépassé.
Mais on est tous les deux entouré par une grande bandes de dauphins
très chouettes. Ils nous abandonnent seulement à
l'entrée du paso Bravo, joli passage entre deux îles qui rappelle
les canaux. Nous y croisons Pelagic, le bateau de Skip Novak, de
retour de l'Antarctique. Ca en fait du monde ! Et pas n'importe qui
! Nous mouillons bientôt à la caleta Martial.
A notre grande déception, pas de trace du manchot royal solitaire
que plusieurs bateaux on aperçu ici. Mais on retrouve
Igor et Olga (les enfants d'Oleg), qui font visiter la plage au couple
de clients. Michael et Barbara, deux canadiens sympas, qui ont choisi
de vivre au soleil de Floride. Ils nous ont filmé, il faut
qu'on vienne voir ca …Avant cela, profitant du beau temps, on se fait une
mémorable partie de foot sur la plage…Partie dangereuse, les joueurs
ataramiens étant en situation de séjour illégal sur
le sol chilien !
Les images d'Ataram sont jolies. On a aussi
fimé Kotic, et grace à la caméra numérique,
Oleg reçoit illico sur une disquette les images de son bateau qu'il
sélectionne lors du petit verre que l'on prend chez eux. Oleg
apprenant qu'on va aux Falkland nous dit qu'on devrait voir Jérôme
Poncet à Port Stanley, de retour d'Antarctique et en partance pour
la Georgie du Sud. Il nous confie une petite bouteille pour lui.
Youpie, prise de contact assurée ! Mais pourquoi youpie ?
Ha, vous n'avez pas lu "Damien" ? Petit rappel donc, Damien, c'est
le voilier du 10 mètres sur lequel Gérard Janichon et Jérôme
Poncet on fait un fabuleux voyage de cinq ans autour du monde, du Spitsberg
au Cap Horn en passant par l'Amazone, puis l'Antarctique… Janichon
a conté l'odyssée en trois bouquins…Si tout anglophone qui
part autour du monde à la voile le doit un peu à Slocum,
que tout francophone est redevable à Moitessier, le même,
s'il vient dans ces régions, doit beaucoup à ces deux rêveurs
qui ont su faire rêver les autres…Alors, la perspective d'en rencontrer
un ne nous laisse pas de glace…
Valhala arrive en début de soirée
dans la caleta. La nuit est bonne.
Le matin du grand jour, baro en baisse…Que
faire ? Consultation des experts, qui ont consulté les fax
météo. Ca devrait être bon, on a le temps, ca ne montera
qu'en fin de journée… Allez hop, on lève l'ancre, en
avant pour l'excursion touristique à grosse valeur émotive…
On va faire le Horn d'Ouest en Est, en contournant l'île Herschel
par le nord, puis en redescendant vers le sud, passer le Horn, et revenir
se réfugier dans un des mouillages de ce groupes d'îles.
Le vent, soutenu en début de journée, se met à baisser,
tellement qu'on envisage un moment passer le cap dur au moteur…Mais
le voilà qui revient alors qu'on est en vue du rocher mythique !
Parfait pour les images que l'on s'est promis de prendre d'un bateau à
l'autre. Un ris, quelques tours dans le génois, on file à
plus de huit nœuds devant la roche noire, maudite par tant de marins du
temps jadis. A midi, on y est, à treize heure, on est cap
hornier. L'évènement a été immortalisé
depuis Kotic II par Michael, mais à bord d'Ataram aussi ca s'autophotographie,
à la barre, dansant le blues du Horn sur ascenseur pour l'échafaud,
pissant au vent (pas d'effet notable à part une Musto mouillée)…
Je crois qu'on est heu-reux ! Notre joie s'exprime d'ailleurs différemment,
entre un Philippe bondissant dans le cockpit, un Pierre chantant à
tue-tête et un Eric les yeux perdus sur le cap, genre j'éprouve
une grande joie intérieure…
On entame le retour, toujours avec Kotic
II à nos cotés. On est bientôt face au vent,
le moteur de Kotic ronronne, et il nous laisse sur place, en train de tirer
nos bords carrés. On traîne assez que pour se prendre
une très jolie branlée une heure avant d'arriver au mouillage.
La mer est blanche d'écume, et le vent, malgré le peu de
fetch (nous sommes entre les îles), lève une petite houle
courte et rude. On est ravi d'arriver au mouillage de la caleta Lientur,
sur l'île Wollaston. Le temps se calme suffisamment pour qu'on
aille visionner les images de Michael sur Kotic II. Sophie nous invite
à partager une excellente fondue savoyarde; le gâteau
chocolat d'Ataram n'est pas assez cuit pour cause de bouteille de gaz épuisée
en milieu de cuisson…Les images de Michael sont superbes, il a de la gueule
notre barco ! Heureux, encore, nous sommes !
La météo n'est pas bonne pour
le lendemain, un front assez creusé passe. On restera sans doute
au mouillage. Bonne nuit, encore, sans le souci de la nav du lendemain…
De grand matin, le baro entreprend une descente
vertigineuse, mais rien ne se produit encore. Phil et Igor, confiants,
entament une petite ballade à terre. Et, grand classique désormais,
c'est quand le baro recommence a monter que le vent tout-à-coup
se déchaîne. L'annexe de Kotic est renversée
comme un fétu de paille, et les bateaux tirent sur leurs chaînes
dans tous les sens. On va mettre toute la chaîne de mouillage,
plus deux bouts. On se retrouve bientôt avec plus de 100 mètres
de ligne, dans 10 mètres d'eau, mais on a la sensation qu'il faut
bien ca. Des willywaws promènent les bateaux, cinglant la
surface de l'eau…Ha ce qu'on est bien dans sa banette…Et justement sur
la VHF, on entend un appel d'un bateau dehors : The Dove appelle Kotic
pour connaître les conditions du mouillage. Les pauvres, ils
doivent avoir 60 nœuds au moins dehors…Etrange idée d'avoir navigué
aujourd'hui. Mais ils se rendent en Antarctique, et la saison étant
très avancée, peut-être ne veulent-ils pas prendre
plus de retard. Bon échauffement pour le Drake en tout cas
!
Quand ils arrivent, longue conversation météo
avec Kotik pour savoir s'ils doivent partir demain. Bilan : sans
doute, mais il faut attendre la carte de demain. On prend bonne note.
Vu le temps, Kotik décline notre invitation à manger chez
nous. On cocoon donc.