Journées du 23 au 26 février 1999 : Vers les Falkland
 
On fait tellement les loirs le lendemain que la caleta est vide quand on émerge ! Bon, enfin, le message est clair : on peut y aller.  Ce qu'on fait. 

On hésite beaucoup à faire une halte à l'île des Etats.  Pour : c'est une île très sauvage, superbe, à portée de voiles.  Contre : c'est devenu une réserve naturelle, on est censé demander une autorisation; y aller nous oblige a passer par le détroit de Le Maire, ce qui n'est faisable que par marée favorable, et l'horaire ne colle pas trop pour nous; cela nous laisse encore moins de temps aux Falkland, ou on sera dejà trop court…  Résultat, facile à prédire, vu la présentation : on n'ira pas.  Mais la décision est prise tard, parce ce qu'on avance terriblement bien, avec un vent portant à 25, 30 nœuds.  Enfin, on laisse tomber. 

On va donc tout droit vers les Falklands.  Et on y va à plus de 9  nœuds pendant toute la première journée…Mais la première nuit, le vent tombe, puis revient du N-NE.  De face quoi, dans la g…On est maudits !  Ici, les vents dominants sont d'ouest nom d'un chien, d'ouest.  Et nous on va au NE.  Tout devrait donc aller parfaitement bien pour nous.  Mais non, voilà qu'on est dans une auto-tamponneuse, un tambour de machine à laver, qui tourne de plus en plus vite, cogne de plus en plus fort.   Le vent monte, mais ne tourne pas.  On doit réduire à cause du vent, bien sur, mais de la mer aussi, on ne peut pas continuer a taper aussi fort.  Du coup, on dérive encore plus, on se fait jeter sur le banc de Burdwood.  A cet endroit, les fonds marins passent de plus de 3000 mètres à moins de 100.  Cela crée évidemment une mer assez confuse, très pénible.  Barrer n'est pas forcément utile, on tape de toute manière.  Et ce c.. de vent qui monte encore. On se retrouve sous 3 ris - trinquette, jamais Ataram n'a porté aussi peu de toile au large.  Et ca tape.  Et ca tape.  Mauvais pour le physique et pour le moral. Ha, ils n'ont pas fière allure les nouveaux cap-horniers.  Régime frugal, peu de travail à l'ordinateur, on se contente d'assurer son quart, et en dehors de cela, de pomper un peu , car oui, Ataram embarque pas mal d'eau, notamment par un aérateur que l'on avait bouché, mais dont la protection s'est défaite.  Eric découvre, en tentant une réparation de fortune, que le duct tape, ce papier collant gris dont on se sert beaucoup sur les bateaux, est capable de coller sous l'eau !  L'avant du bateau, jusqu'au pied de mat, est presque perpétuellement arrosé, et malgré ces conditions de travail sous-marines, le tape tient.  Mais bientôt, un coulisseau de grand-voile éclate.  Bien sûr, cela fragilise les autres, qui commencent a casser un par un.  Le retour de la bastaque sous le vent, qui permet de la tenir en place quand elle ne sert pas, s'est cassé aussi.   

STOOOOP, c'est l'heure de l'escale technique.  On se met à la cape, et on répare, on colle, on coud, on noue, on pompe et on éponge.  Mais, non, on ne mange ni ne dort, il n'est pas dit que l'on perdra du temps à se dorloter… Pendant nos bricolages, on a la visite de plusieurs globicéphales, qui semblent avoir un rendez-vous au Cap Horn, passant à côté de nous tout droit.  Puis paraissant nous avoir aperçu un peu tard, ils font demi tour, refont deux passages et s'en vont, satisfaits de l'inspection.  Nous remettons en route, et bientôt alléluia, le vent hale vers l'ouest !  C'est un petit coup de vent, on se retrouve sous 3 ris - trinquette à nouveau, mais au cap, et plus au près.  Ca change la vie !  Le coup de vent se fait petite brise pendant la nuit, souffle exsangue au matin, puis meurt.  Vroum vroum, Perkins à la rescousse ! 

Au soleil revenu, nous mettons tout a sécher, nettoyons les fonds, essorons nos vêtements etc…On va arriver présentables à Port Stanley.  Notre dernier souci : y arriver de jour !  Ca sera un peu juste si le vent ne nous aide pas !  Mais le voilà plus coopératif, il se lève…Du NE, là où on va, vous connaissez la chanson…En trichant avec le moteur, on progresse suffisamment pourtant.  Sur la fin, le vent adonne, nous autorisant un bord de voile pure vers le Cap Pembroke, le point le plus à l'Est des Falkland, derrière lequel se trouve Port William, la baie qui abrite Port Stanley.  Le lieu d'entrée obligatoire se trouve donc à l'extrême est des îles.  Dommage quand on vient de l'ouest, et qu'on longe ces îles depuis 160 milles ! 

On entre dans le sound, la baie de Port Stanley proprement dite, vendredi 26 février à 18 heures.  Swan Lake est là !  On se met à couple d'un gros chalutier.  Et on se rue au resto avec Swan Lake, non sans avoir livré sa bouteille au sieur Poncet, qui nous guettait, avertit par BLU.  On s'est rarement senti aussi heureux d'arriver !