On fait tellement les loirs le lendemain
que la caleta est vide quand on émerge ! Bon, enfin, le message
est clair : on peut y aller. Ce qu'on fait.
On hésite beaucoup à faire
une halte à l'île des Etats. Pour : c'est une île
très sauvage, superbe, à portée de voiles. Contre
: c'est devenu une réserve naturelle, on est censé demander
une autorisation; y aller nous oblige a passer par le détroit de
Le Maire, ce qui n'est faisable que par marée favorable, et l'horaire
ne colle pas trop pour nous; cela nous laisse encore moins de temps aux
Falkland, ou on sera dejà trop court… Résultat, facile
à prédire, vu la présentation : on n'ira pas.
Mais la décision est prise tard, parce ce qu'on avance terriblement
bien, avec un vent portant à 25, 30 nœuds. Enfin, on laisse
tomber.
On va donc tout droit vers les Falklands.
Et on y va à plus de 9 nœuds pendant toute la première
journée…Mais la première nuit, le vent tombe, puis revient
du N-NE. De face quoi, dans la g…On est maudits ! Ici, les
vents dominants sont d'ouest nom d'un chien, d'ouest. Et nous on
va au NE. Tout devrait donc aller parfaitement bien pour nous.
Mais non, voilà qu'on est dans une auto-tamponneuse, un tambour
de machine à laver, qui tourne de plus en plus vite, cogne de plus
en plus fort. Le vent monte, mais ne tourne pas. On doit
réduire à cause du vent, bien sur, mais de la mer aussi,
on ne peut pas continuer a taper aussi fort. Du coup, on dérive
encore plus, on se fait jeter sur le banc de Burdwood. A cet endroit,
les fonds marins passent de plus de 3000 mètres à moins de
100. Cela crée évidemment une mer assez confuse, très
pénible. Barrer n'est pas forcément utile, on tape
de toute manière. Et ce c.. de vent qui monte encore. On se
retrouve sous 3 ris - trinquette, jamais Ataram n'a porté aussi
peu de toile au large. Et ca tape. Et ca tape. Mauvais
pour le physique et pour le moral. Ha, ils n'ont pas fière allure
les nouveaux cap-horniers. Régime frugal, peu de travail à
l'ordinateur, on se contente d'assurer son quart, et en dehors de cela,
de pomper un peu , car oui, Ataram embarque pas mal d'eau, notamment par
un aérateur que l'on avait bouché, mais dont la protection
s'est défaite. Eric découvre, en tentant une réparation
de fortune, que le duct tape, ce papier collant gris dont on se sert beaucoup
sur les bateaux, est capable de coller sous l'eau ! L'avant du bateau,
jusqu'au pied de mat, est presque perpétuellement arrosé,
et malgré ces conditions de travail sous-marines, le tape tient.
Mais bientôt, un coulisseau de grand-voile éclate. Bien
sûr, cela fragilise les autres, qui commencent a casser un par un.
Le retour de la bastaque sous le vent, qui permet de la tenir en place
quand elle ne sert pas, s'est cassé aussi.
STOOOOP, c'est l'heure de l'escale technique.
On se met à la cape, et on répare, on colle, on coud, on
noue, on pompe et on éponge. Mais, non, on ne mange ni ne
dort, il n'est pas dit que l'on perdra du temps à se dorloter… Pendant
nos bricolages, on a la visite de plusieurs globicéphales, qui semblent
avoir un rendez-vous au Cap Horn, passant à côté de
nous tout droit. Puis paraissant nous avoir aperçu un peu
tard, ils font demi tour, refont deux passages et s'en vont, satisfaits
de l'inspection. Nous remettons en route, et bientôt alléluia,
le vent hale vers l'ouest ! C'est un petit coup de vent, on se retrouve
sous 3 ris - trinquette à nouveau, mais au cap, et plus au près.
Ca change la vie ! Le coup de vent se fait petite brise pendant la
nuit, souffle exsangue au matin, puis meurt. Vroum vroum, Perkins
à la rescousse !
Au soleil revenu, nous mettons tout a sécher,
nettoyons les fonds, essorons nos vêtements etc…On va arriver présentables
à Port Stanley. Notre dernier souci : y arriver de jour !
Ca sera un peu juste si le vent ne nous aide pas ! Mais le voilà
plus coopératif, il se lève…Du NE, là où on
va, vous connaissez la chanson…En trichant avec le moteur, on progresse
suffisamment pourtant. Sur la fin, le vent adonne, nous autorisant
un bord de voile pure vers le Cap Pembroke, le point le plus à l'Est
des Falkland, derrière lequel se trouve Port William, la baie qui
abrite Port Stanley. Le lieu d'entrée obligatoire se trouve
donc à l'extrême est des îles. Dommage quand on
vient de l'ouest, et qu'on longe ces îles depuis 160 milles !
On entre dans le sound, la baie de Port Stanley
proprement dite, vendredi 26 février à 18 heures. Swan
Lake est là ! On se met à couple d'un gros chalutier.
Et on se rue au resto avec Swan Lake, non sans avoir livré sa bouteille
au sieur Poncet, qui nous guettait, avertit par BLU. On s'est rarement
senti aussi heureux d'arriver !