Pour
rallier le port de La Romana,
il va nous faloir faire les 20 derniers milles au vent de travers, ce qui
nous oblige à trouver une solution de fortune pour notre hale-bas.
Deux trois poulies et quelques ficelles plus loin, notre problème
est règlé.
Vers 16 heures
30, nous arrivons à ce fameux port dont on ne sait pas grand-chose.
On s'enfonce dans un chenal, on longe une très fumante raffinerie
de sucre bordée d'un ponton des plus inhospitaliers (il est en béton
pur et à une hauteur telle qu'il nous est impossible de s'y amarrer),
on aperçoit au loin quelques petits yachts à moteur amarrés
à un ponton, certes plus hospitalier, mais sur lequel il ne reste
plus une place de libre. En face, un débarcadère depuis lequel
on nous invite à acoster, ce que nous faisons. On se retrouve donc
amarré lorsqu'on se rend compte qu'il n'y a pas 2 mètres
d'eau et qu'Ataram touche le fond avec sa quille au passage de chaque vaguelette.
On s'aperçoit aussi que les sinitres bâtiments qui longent
le débarcadère sont une prison depuis laquelle les prisonniers
et prisonnières nous crient des messages incompréhensibles.
Bref, on quitte l'endroit, avec à notre bord les trois douaniers
du coin, décidés à accomplir les formalités
de douanes (encore !) au plus vite. Le seul refuge qui s'offre à
nous est le pilier du pont qui enjambe la rivière, quelques mètres
plus loin. On mouille par 13 m de fond et on s'amarre par l'arrière
au pilier pour passer la nuit. C'est alors qu'un vacarme ahurissant nous
fait lever la tête vers le ciel : un train chargé de cannes
à sucre nous passe litéralement sur la tête tandis
qu'un peu plus loin, un avion atterit derrière la colline voisine.
L'endroit va certainement nous changer de nos mouillages paisibles à
l'abri de toute civilisation.
Nous sommes
confrontés pour la première fois aux backichs "officiels"
de la part des "aides" de l'inspecteur de l'immigration, dont nous n'avons
pas très bien conmpris le rôle mais auxquels la bière
que nous avons offerte (les dernières fraîches que nous avions
!) ne suffit pas. Une petite "régalita" (si j'ai bien compris) plus
tard, il faut les ramener à terre dans notre annexe pourrie. C'est
un très grand moment de folklore. L'officiel en pantalon noir et
chemise blanche porte des souliers de cuir noir que sa dignité lui
interdit d'ôter. L'annexe est encore sèche, mais Marc et Eric
rient déjà, sachant que malgré la très courte
distance, elle va se remplir assez que pour inonder ces jolies peaux. Un
des aides paraît terrifié par l'aventure, il tremble en grimpant
dans notre superbe navire à rame (nous n'avons pas voulu montrer
que nous avions un moteur, car nous ne savons pas encore si nous n'allons
pas aller à terre et donc laisser l'annexe seule (et le bateau aussi
!)) et gémit au moment de lâcher Ataram pour la grande aventure.
Ce qui devait
se produire s'est produit : l'eau est montée, a trempé les
chaussures de l'immigration dominicaine et les fesses de leur aide, terré
au fond de l'annexe, refusant de s'asseoir sur le boudin. Marc et Eric
doivent se mordre les lèvres pour ne pas éclater de rire
chaque fois qu'ils négocient une vague pour ne pas mouiller aussi
le postérieur de l'administration de La Romana. Sur Ataram, les
cinq autres pleurent, relativement discrètement, de rire.
Après
le retour de l'expédition, opération course pour le commando
qui s'en retourne demain vers Bruxelles, mais qui gentiment, va acheter
de la nourriture pour Pierre et Eric qui vont se taper une nav de 300 milles
à deux demain. Car demain, nos petits camarades s'en vont passer
une nuit à l'hôtel avant de rentrer en avion. Et parmi nos
petits camarades, il y a la petite camarade de Philippe, qui va passer
ces dernières heures avec lui. Il nous rejoindra à Port-au-Prince
à Haïti dans quelques jours.
La fin de journée
est bercée par les cris des prisonniers et prisonnières qui
s'adresse à leurs amis, qui viennent sous les murs de la prison,
et par les sirènes des trains qui s'annoncent.
Le soir, séance
computer pour nous trois, il faut relire le site que nos camarades ramènent
en Belgique (si le zip n'explose pas à la dernière minute
comme la dernière fois !). Il est grand temps que notre liaison
internet soit mise en place, non ? On fait carrément des quarts
d'ordi une partie de la nuit, après quelques délicieux raviolis.