Journée du 26 Mars 98 Départ : San Juan (Puerto Rico)  Arrivée : La Romana (République dominicaine)
 
 
Au petit matin, on aperçoit au loin isla Soana, petite île située au Sud Est de la République dominicaine. Le vent est toujours assez faible (entre 8 et 16 noeuds) et nous décidons de hisser le spinnaker. La préparation est un peu fastidieuse car nous ne sommes pas encore rôdé à cette manoeuvre. Mais tout se déroule parfaitement bien et on accèlère brutalement. Après une heure et demie, il nous faut changer de cap et affaler le spi (qui ne fonctionne qu'aux allures de vent arrière et de grand largue). On constate qu'une des écoutes du spi a forcé sur un chandelier, à tel point qu'il s'est rompu. Ca ne fera qu'une petite bricole en plus à faire. On commence à prendre pleinement la mesure de cette sorte d'adage tant de fois répété qui veut qu'il y a toujours quelque chose à réparer sur un bateau.
Pour rallier le port de La Romana, il va nous faloir faire les 20 derniers milles au vent de travers, ce qui nous oblige à trouver une solution de fortune pour notre hale-bas. Deux trois poulies et quelques ficelles plus loin, notre problème est règlé. 

Vers 16 heures 30, nous arrivons à ce fameux port dont on ne sait pas grand-chose. On s'enfonce dans un chenal, on longe une très fumante raffinerie de sucre bordée d'un ponton des plus inhospitaliers (il est en béton pur et à une hauteur telle qu'il nous est impossible de s'y amarrer), on aperçoit au loin quelques petits yachts à moteur amarrés à un ponton, certes plus hospitalier, mais sur lequel il ne reste plus une place de libre. En face, un débarcadère depuis lequel on nous invite à acoster, ce que nous faisons. On se retrouve donc amarré lorsqu'on se rend compte qu'il n'y a pas 2 mètres d'eau et qu'Ataram touche le fond avec sa quille au passage de chaque vaguelette. On s'aperçoit aussi que les sinitres bâtiments qui longent le débarcadère sont une prison depuis laquelle les prisonniers et prisonnières nous crient des messages incompréhensibles. Bref, on quitte l'endroit, avec à notre bord les trois douaniers du coin, décidés à accomplir les formalités de douanes (encore !) au plus vite. Le seul refuge qui s'offre à nous est le pilier du pont qui enjambe la rivière, quelques mètres plus loin. On mouille par 13 m de fond et on s'amarre par l'arrière au pilier pour passer la nuit. C'est alors qu'un vacarme ahurissant nous fait lever la tête vers le ciel : un train chargé de cannes à sucre nous passe litéralement sur la tête tandis qu'un peu plus loin, un avion atterit derrière la colline voisine. L'endroit va certainement nous changer de nos mouillages paisibles à l'abri de toute civilisation. 

Nous sommes confrontés pour la première fois aux backichs "officiels" de la part des "aides" de l'inspecteur de l'immigration, dont nous n'avons pas très bien conmpris le rôle mais auxquels la bière que nous avons offerte (les dernières fraîches que nous avions !) ne suffit pas. Une petite "régalita" (si j'ai bien compris) plus tard, il faut les ramener à terre dans notre annexe pourrie. C'est un très grand moment de folklore. L'officiel en pantalon noir et chemise blanche porte des souliers de cuir noir que sa dignité lui interdit d'ôter. L'annexe est encore sèche, mais Marc et Eric rient déjà, sachant que malgré la très courte distance, elle va se remplir assez que pour inonder ces jolies peaux. Un des aides paraît terrifié par l'aventure, il tremble en grimpant dans notre superbe navire à rame (nous n'avons pas voulu montrer que nous avions un moteur, car nous ne savons pas encore si nous n'allons pas aller à terre et donc laisser l'annexe seule (et le bateau aussi !)) et gémit au moment de lâcher Ataram pour la grande aventure.  

Ce qui devait se produire s'est produit : l'eau est montée, a trempé les chaussures de l'immigration dominicaine et les fesses de leur aide, terré au fond de l'annexe, refusant de s'asseoir sur le boudin. Marc et Eric doivent se mordre les lèvres pour ne pas éclater de rire chaque fois qu'ils négocient une vague pour ne pas mouiller aussi le postérieur de l'administration de La Romana. Sur Ataram, les cinq autres pleurent, relativement discrètement, de rire. 

Après le retour de l'expédition, opération course pour le commando qui s'en retourne demain vers Bruxelles, mais qui gentiment, va acheter de la nourriture pour Pierre et Eric qui vont se taper une nav de 300 milles à deux demain. Car demain, nos petits camarades s'en vont passer une nuit à l'hôtel avant de rentrer en avion. Et parmi nos petits camarades, il y a la petite camarade de Philippe, qui va passer ces dernières heures avec lui. Il nous rejoindra à Port-au-Prince à Haïti dans quelques jours. 

La fin de journée est bercée par les cris des prisonniers et prisonnières qui s'adresse à leurs amis, qui viennent sous les murs de la prison, et par les sirènes des trains qui s'annoncent. 

Le soir, séance computer pour nous trois, il faut relire le site que nos camarades ramènent en Belgique (si le zip n'explose pas à la dernière minute comme la dernière fois !). Il est grand temps que notre liaison internet soit mise en place, non ? On fait carrément des quarts d'ordi une partie de la nuit, après quelques délicieux raviolis.