La
nuit se déroule sans événements particuliers.
Il n'y a presque pas de vent et il souffle dans une direction qui nous
oblige à naviguer sur un cap qui ne nous convient pas. C'est
un peu agaçant car, non seulement on ne va pas très vite
mais en plus, on ne se dirige pas vers Haïti.
A 9h30, nous décidons
de hisser le spi pour essayer d'avancer un peu mais le vent continue à
tomber. Bientôt, il n'y même plus assez d'air pour gonfler
le spi et la grand voile bat dans tous les sens. On est balloté
par la houle qui n'est pourtant pas très forte et le sillon que
laisse Ataram derrière lui disparaît peu à peu, signe
que nous n'avancons plus du tout. Il va falloir que Perkins entre
dans la danse.
Vers midi, on
se rend compte qu'il sera difficile de rejoindre la baie d'Aquin en fin
de journée et on s'interroge longuement pour savoir si on ne ferait
pas mieux de s'arrêter à Jacqmel, plus proche de nous.
Finalement, on décide de faire la route jusqu'au bout, quitte a
devoir passer la nuit à la cape devant la baie en attendant le lendemain.
On ne peu en effet raisonnablement envisager de pénétrer
dans le baie de nuit, étant donné que nous n'avons qu'une
carte à grande échelle, sur laquelle l'ensemble de la baie
représente à peine un cm de long.
Il fait torride
toute l'après midi; en bas, c'est le sauna et en haut on se croirait
dans un four. Eric et Pierre se jurent mutuellement qu'à la
prochaine escale, on se fendra d'un bimini, d'un kit frigo et de l'air
conditionné pour toutes les pièces d'Ataram.
Perkins ronronne
tranquillement depuis 7 heures et on arrive en vue de la baie au moment
précis où le soleil nous fait ses adieux pour aujourd'hui.
On distingue au loin une, puis deux voiles qui semblent se diriger vers
le large. Hourra ! on va pouvoir les contacter avec la VHF pour qu'ils
nous donnent quelques indications sur la manière d'aller à
Aquin.
On prend les
jumelles pour identifier ces voiliers et on se rend vite compte qu'il s'agit
en réalité de minuscules embarcations qui s'en vont pour
une nuit de pêche. Leurs voiles sont des assemblages de morceaux
de plastique et il nous paraît vite évident qu'il n'ont aucun
équipement électronique. On renonce donc à leur
demander des conseils et on se contente d'admirer le spectacle de ces voiles
au soleil couchant.
A force de scruter
la carte, nous sommes parvenu à nous faire une idée à
peu près exacte de l'image que devrait présenter la baie
quand nous nous présenterons devant son entrée sud-est.
Par contre, nous avons bien du mal à situer exactement cette entrée.
Alors que l'on longe la côte en écarquillant les yeux car
la nuit est presque tout-à-fait noire maitenant, la baie s'ouvre
brusquement derrière le rocher que nous sommes en train de dépasser.
Il n'y a plus qu'à tourner à droite!
On pénètre
au ralenti dans la baie, profonde de plusieurs kilomètres, en se
dirigeant vers les lumières que l'on distingue au loin. On mouille
l'ancre un peu au hasard, lorsqu'on a l'impression que le village n'est
plus trop loin. La baie est paisible sous la lune qui se lève.
Des chants et des mélodies montent de la ville. D'abord tout
s'entremêle, mais bientôt nous distinguons des négro
spitirituals, qui surgissent d'un coté de la ville, des tambours
rythmant de la musique tribale (nous apprendrons que c'était la
musique d'une cérémonie vaudou) et des guitares qui jouent
des mélodies proches de l'acid jazz. La tentation est grande
d'aller découvrir d'où viennent ces musiques, mais nous sommes
très fatigués. Morphée gagne, nous ne verrons
pas les vaudous...