Journée du 29 Mars 98 : En route pour  Haiti
 
 La nuit se déroule sans événements particuliers.  Il n'y a presque pas de vent et il souffle dans une direction qui nous oblige à naviguer sur un cap qui ne nous convient pas.  C'est un peu agaçant car, non seulement on ne va pas très vite mais en plus, on ne se dirige pas vers Haïti.  
A 9h30, nous décidons de hisser le spi pour essayer d'avancer un peu mais le vent continue à tomber. Bientôt, il n'y même plus assez d'air pour gonfler le spi et la grand voile bat dans tous les sens.  On est balloté par la houle qui n'est pourtant pas très forte et le sillon que laisse Ataram derrière lui disparaît peu à peu, signe que nous n'avancons plus du tout.  Il va falloir que Perkins entre dans la danse.  

Vers midi, on se rend compte qu'il sera difficile de rejoindre la baie d'Aquin en fin de journée et on s'interroge longuement pour savoir si on ne ferait pas mieux de s'arrêter à Jacqmel, plus proche de nous.  Finalement, on décide de faire la route jusqu'au bout, quitte a devoir passer la nuit à la cape devant la baie en attendant le lendemain.  On ne peu en effet raisonnablement envisager de pénétrer dans le baie de nuit, étant donné que nous n'avons qu'une carte à grande échelle, sur laquelle l'ensemble de la baie représente à peine un cm de long.  

Il fait torride toute l'après midi; en bas, c'est le sauna et en haut on se croirait dans un four.  Eric et Pierre se jurent mutuellement qu'à la prochaine escale, on se fendra d'un bimini, d'un kit frigo et de l'air conditionné pour toutes les pièces d'Ataram.  

Perkins ronronne tranquillement depuis 7 heures et on arrive en vue de la baie au moment précis où le soleil nous fait ses adieux pour aujourd'hui.  On distingue au loin une, puis deux voiles qui semblent se diriger vers le large.  Hourra ! on va pouvoir les contacter avec la VHF pour qu'ils nous donnent quelques indications sur la manière d'aller à Aquin.  

On prend les jumelles pour identifier ces voiliers et on se rend vite compte qu'il s'agit en réalité de minuscules embarcations qui s'en vont pour une nuit de pêche. Leurs voiles sont des assemblages de morceaux de plastique et il nous paraît vite évident qu'il n'ont aucun équipement électronique.  On renonce donc à leur demander des conseils et on se contente d'admirer le spectacle de ces voiles au soleil couchant.  

A force de scruter la carte, nous sommes parvenu à nous faire une idée à peu près exacte de l'image que devrait présenter la baie quand nous nous présenterons devant son entrée sud-est.  Par contre, nous avons bien du mal à situer exactement cette entrée.  Alors que l'on longe la côte en écarquillant les yeux car la nuit est presque tout-à-fait noire maitenant, la baie s'ouvre brusquement derrière le rocher que nous sommes en train de dépasser.  Il n'y a plus qu'à tourner à droite!

On pénètre au ralenti dans la baie, profonde de plusieurs kilomètres, en se dirigeant vers les lumières que l'on distingue au loin. On mouille l'ancre un peu au hasard, lorsqu'on a l'impression que le village n'est plus trop loin.  La baie est paisible sous la lune qui se lève.  Des chants et des mélodies montent de la ville.  D'abord tout s'entremêle, mais bientôt nous distinguons des négro spitirituals, qui surgissent d'un coté de la ville, des tambours rythmant de la musique tribale (nous apprendrons que c'était la musique d'une cérémonie vaudou) et des guitares qui jouent des mélodies proches de l'acid jazz.  La tentation est grande d'aller découvrir d'où viennent ces musiques, mais nous sommes très fatigués.  Morphée gagne, nous ne verrons pas les vaudous...