Samedi, le vent n’a
pas tourné, et bien sûr, nous ne sommes pas prêt. Mais
presque. D’adieux en adieux, on y est. On passe beaucoup de
temps avec Matéo, qui a été si sympa. Il nous
approvisionne en eau, gasoil, légumes et fruits, et ne veut rien
savoir d’un paiement éventuel ! Sa seule exigence : tant qu’à
partir demain (car il est tard déjà), il est exclu de partir
avant la messe ! Les z’ataramiens sont devenus des gens tolérants
en voyageant, et ils concèdent volontiers ce dernier contretemps.
Comme les deux dimanches précédents, ils iront à la
messe, écouter les beaux chants.
Quelques heures plus
tard, en ce début d’après-midi dominicale, nous quittons
ce qui fut finalement notre plus longue escale, hormis Panama. Le
vent est à l’est, et on parie sur le fait qu’il tourne encore.
Il le fera, mais entre
chaque tournante, s’intercalent de longues périodes de pétole,
qui donne à Perkins l’occasion de s’exprimer. On navigue sous
toutes les allures, puisque le nordet se fait nord, puis noroît,
avant de passer plein ouest, puis sud. Quand ce n’est pas la pétole
qui marque ces changements d’orientations, ce sont des grains.
Mardi 20 octobre,
en milieu d’après-midi, Pitcairn apparaît sur l’horizon, tel
qu’on l’attendait, caillou aux falaises accores, a priori peu hôspitalier.
Mais on en est un peu
loin, et on arrivera trop tard pour mouiller de jour. On sait qu’ils sont
en veille sur le 16 en permanence, et en arrivant à proximité,
on leur demande leur avis. La réponse sent bon l’héritage
britannique : sans vouloir nous imposer une solution, on nous informe que
sans doute, il serait plus aisé d’attendre demain. Venant
d’une communauté qui vit depuis deux siècles sur ces quatre
kilomètres carrés de terre balayés par les vents et
l’océan, le conseil est sûrement avisé. On se
met donc à la cape, à l’abri de l’île autant que possible.
Mais elle est tellement petite, qu’il faut se replacer souvent pour rester
protégé du vent de sud qui souffle à 6-7 beaufort.
Nous voyons la côte nord-est où se trouve la ville d’Adamstown.
On voit ses lumières dans la nuit, et on devine que de temps en
temps, par sa fenêtre, un pitcairners aperçoit le feu de mât
de se bateau qui attend, balloté au large de pourvoir aborder son
île. A 22 heures, toute la ville disparaît, avalée
par l’obscurité de cette nuit sans lune. On apprendra que
c’est l’heure d’extinction du générateur qui alimente la
ville en électricité. On est un peu plus seul, l’homme
de quart écoute le vent siffler dans les haubans en attendant l’aube.
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