Journées du 3 au 9 novembre : Rapa Nui - isla de Pascua
 
Outre le moai planté sur le port, des sourires nous accueillent, en espagnol et en polynésien (hola, iaorana).  On va être heureux, on  le sent.  On est ravis.  Quatre benêts déambulent dans le village, sourire aux lèvres.  En arrivant tout à l’heure, on a eu Bernard et Tuyet, de Peewit en VHF.  Nous les avions rencontré à Colon, Panama, avant de passer le canal.  Ils avaient mille projets, dont celui de venir dire bonjour au cousin de Bernard, marié à une pascuane, qui tient un restaurant sur l’île.  A l’époque, nous pensions passer à Pâques avant le reste de la Polynésie, juste après les Galapagos.  Nous étions donc partis porteur d’un message de Bernard à Jérôme, annonçant son arrivée à court, ou moyen terme.  Et voilà qu’après avoir fait le tour de la Polynésie, on retrouve les Peewits qui arrivent tout droit des Galapagos, après avoir passé pas mal de temps au Panama, notamment pour renvoyer Adèle et Louis, leurs enfants, passer l’été en France.   

Le soir, on retrouve tout le monde, un cousin de plus  - Lucien, frère de Jérôme - s’étant joint à la fine équipe, au Kona Koa, le resto de Jérôme.  Famille super !  Ils ont tous voyagé en bateau, et traînés leurs bottes dans des endroits improbables, comme le Costa Rica des chercheurs d’or, ou paradisiaques, comme les atolls Polynésiens. 

Le Kona Koa accueille ce soir là un spectacle de danse polynésienne qui n’a rien a envier au Heiva de Papeete pour la qualité des danses et…la beauté des danseuses.  Les z’ataramiens perdront parfois le cours de la conversation…Belle île, décidément. 

Jérôme n’est pas le seul français a s’être installé ici.  Une quinzaine de ses compatriotes habitent sur l’île, la plupart marié à des pascuanes.  On les comprend !  Ils sont restaurateurs, guides touristiques, patron d’école de plongée ou chômeurs. 

Jérôme a rentré son bateau dans le petit port d’Hanga Pico. Mais la manœuvre est difficile, et ça bouge pas mal dans le port.  Nous n’y songerons donc pas si les conditions ne changent pas ; nous sommes très bien au mouillage. 

Le lendemain, la grande exploration commence.  On trouve des chevaux à louer (pas cher).  L’équipage comprenant deux cavaliers accomplis, c’est hippo-monté que nous ferons notre premier tour dans l’île.  Les bêtes sont braves, mêmes les deux sous-doués de l’équitation tiennent sur leurs chevaux au galop.  Avec moins de style que Phil et Jean-Luc, bêtes de manège, certes, mais ils tiennent.  On sera guidé par la chienne de la pension 

Nous partons vers le sud, vers le cratère du Rano Kau.  Au fur et à mesure que l’on s’élève, on découvre le village, puis toute l’île, grand triangle isocèle dont chaque coin porte un volcan.  Les arbres sont rares, l’île est pelée. Seuls les herbes couvrent de vert la terre volcanique.  Près du village, l’énorme piste d’atterrissage de l’aéroport Mataveri coupe ce coin du triangle, isolant le volcan sur les pentes duquel nous sommes du reste de l’île.  La piste, déjà conçue pour les avions  longs courriers a été agrandie pour pouvoir accueillir la navette spatiale en cas de problèmes lors de ses missions en orbite polaire (elle n’a encore jamais emprunté cet orbite).  Ce fut un apport conséquent d’argent pour l’île… 

Nous arrivons au sommet.  Le spectacle est grandiose, le cratère se dévoilant soudain.  Il se dresse tout au bord de l’océan, et ses pentes déchirées sont battues par la grande houle du sud.  A l’intérieur, un lac sur le bleu profond, duquel se détachent des taches vertes de végétation flottante.  Tout au bout de la pointe que le cratère détermine, nous apercevons le village cérémoniel des hommes-oiseaux, Orongo.  Au large, les trois petites îles sur lesquels se rendaient les candidats au sacre d’homme oiseaux, le motu Kao kao, le motu Iti et le motu Nui (noms originaux : petit et grand motu, comme vous devez commencer à le savoir si vous nous lisez attentivement). 

Les braves bêtes nous ont attendues pendant la visite du village, et nous redescendons à travers tout vers la côte sud-est, et l’ahu Vinapu, première concentration de Moai.  Après être arrivé en bateau, on se distingue heureusement des hordes de touristes en tour organisé, qui débarquent de mini-bus au pas de course pour faire le tour de l’île dans la journée.  On se prendrait presque pour des locaux en arrivant par les champs à cheval. 

Mais outre ce tourisme de luxe, il y a aussi un tourisme de curieux, moins argentés, qui s’épanouit dans les petites pensions de l’île.  Ces touristes là, plutôt jeunes,  s’intègrent plus ou moins aux familles qui les accueillent, et forme un petit monde auquel on va participer.  Eux visitent à pied, en vélo, à cheval, en moto, en voiture pour les plus bourgeois.  On en retrouve quelques uns de sites en sites. 

Après quelques ahu supplémentaires, encore peu impressionnants parce que ne réunissant que des idoles « déchues », renversées la face vers le sol, et qui  n’ont pas été relevées, nous entamons le chemin du retour.  Deux options de routes stratégiques séparent les ataramiens, persuadés de se retrouver au prochain croisement.  Mais les murs qui parsèment l’île ne le permettrons pas, et nous rentrons séparés.   

Excellente entrée en matière !  Dégeulasses, puant le cheval, on profite  encore un peu de la terre en mangeant chez Raoul, roi des rérés parlant parfaitement français, qui a de la famille aux Gambier. 

Jeudi, grande journée.  Levé pas trop tard (c’ est-à-dire beaucoup plus tard que les six heures qui finissaient par prévaloir en Polynésie, mais là on était rarement couché après 10 heures.  Ici, coutume hispanique oblige, on ne va pas au lit avant minuit-une heure (en semaine, le week-end, c’est autre chose…).  Cette fois, on attaque la moto, en équipage réduit, Jean-Luc a choisi le vélo.  On a craqué pour de superbes XR 250. On va s’offrir les sensations de vitesses qui nous manquent un peu (quand le vent et les vagues emmènent Ataram à 9 nœuds, on est très émus, mais cela reste plus lent qu’une grand mère à vélo…).  Paris-Dakar à Pâques, c’est fort.  L’île se prête parfaitement à la découverte en quatre pattes ou deux roues, plus qu’en voiture.  De nombreux petits chemins de traverse sont faits pour nous.  Par le « camino del Moai », jonchés de statues isolées, couchées dans les champs, nous accédons au volcan Rano Raraku, siège de la carrière où étaient sculptés les géants.  Vision incroyable de ces dizaines de têtes (les corps sont pour la plupart enterrés)  parsemant les pentes vertes du volcan.  Surplombant l’ensemble, la roche creusée, ou dorment encore d’énormes carcasses, inachevées.  Spectacle inouï, que l’on reste à contempler, vraiment muets. Nous gravissons les pentes, côtoyant ces énormes nez, ces oreilles pendantes, ces mentons orgueilleux, ses orbites vides, faciès de tuf tellement expressifs.  En s’élevant, on aperçoit maintenant au loin sur la côte sud, l’alignement parfait de l’ahu Tonga Riki.  Cet ahu restauré est le plus impressionnant : 15 colosses ont été redressés.  Depuis leur promontoire, ils contemplent la montagne qui les a vu naître .  Nous montons maintenant plus haut, pour entrer dans le cratère.  Si ça ne devenait commun, il faudrait écrire que l’on a le souffle coupé.  Dans le cratère, sur les pentes herbeuses, d’autres moai regardent le lac et, au-delà, l’océan Pacifique, par dessus les bords affaissés du coté nord, aux pentes ocres dénudéesHYPERLIEN.  Dans le ciel bleu, de grands nuages blancs passent rapidement au dessus de cette scène splendide.  Le vent souffle toujours du sud-est.  Rien à craindre pour Ataram.  On se laisse aller à la contemplation.  Mais l’esprit n’est pas tout, le corps réclame le carburant des efforts fournis, et nous mangeons adossés à un bon gros sympathique qui nous abrite du soleil. 

On aura du mal à s’arracher de là.  Mais il faut profiter de notre moyen de déplacement.   Après une halte à l’ahu Tonga Riki, nous nous dirigeons vers la côte nord de l’île. Nous laissons sur notre droite le volcan Poïke, qui forme le «coin » Est de l’île; l’accès y est réservé à certaines heures, et personne n’est là prêt de la barrière fermant le chemin quand nous y passons.  Nous accédons à la Baie La Pérouse, où une carcasse de bateau du type du nôtre vient nous rappeler que les conditions ne sont pas toujours aussi clémentes.  Après quelques autres ahu, nous découvrons l’une des trois plages de l’île, playa Ovahe.  Bien protégée, la petite anse est bordée d’une plage et d’une grande falaise.  Dans la falaise s’ouvre une grotte où il doit être agréable de passer la nuit. 
Plus loin, la superbe baie d’Anakena, avec un petit air de Polynésie française…La plus belle plage de l’île, des cocotiers, et un très bel alignement de moai coiffés de leur chapeau rouge.  Encore un beau tableau… 
On repart par la grand route après échoué à suivre un chemin ( ?) pour chevaux.  Ca devenait très très trial.  Comme quoi, le cheval est supérieure à la moto à Pâques.   
On se venge en allant escalader le quatrième volcan de l’île, celui du nord-ouest, le Rano Aroi.   Grandes courbes pelées, herbes rases, et petits chemins, faits pour s’amuser en meule.  On joue… on tombe, malgré les bons conseils du Dr ès moto.  Rien de grave, quelques suées pour redémarrer les engins et on repart. 
Nous rentrons par l’ahu Akivi, bel alignement dont la particularité est d’être fait de statues qui regardent l’océan (les autres sont tournés vers l’intérieur, pour veiller sur les terres de ceux qui les ont érigés).  Nous longeons enfin la côte ouest, où se trouvent encore deux beaux ahu. 

Plus sales encore que hier, on va manger sur le bateau.  D’autant que ce soir, Bernard vient sur le bateau pour utiliser notre BLU pour  causer à Thierry, camarade voiliste, copain de Claude aussi, que Peewit a fréquenté à Panama.  Va t’on s’effondrer dans nos couchettes ?  Ben non, on est jeudi, premier soir de sortie pour les pascuans, et on est invité par notre copain loueur de chevaux et de motos à boire un verre pré-sortie chez lui.  A 23 h, voilà donc les z’ataramiens en route pour la fiesta.  On ne va pas vous imposer une description complète de nos nuits.  Qu’il vous suffise de vous souvenir que notre dernière sortie remonte, pour Phil et Eric, au mois de juillet à Tahiti, et Pierre on ne sait même plus (ha si, incroyable : Port-au-Prince, Haïti !).  Nos besoins festifs ont donc été frustrés.  
Mais il faut quand même que l’on vous dise l’ambiance sympa qui règne dans ces boîtes de nuit où toute la famille sort, de la grand-mère au petit dernier, et où passent toutes les musique, du rock à la salsa, en passant par des morceaux de yukulele, qui donnent lieu à des démonstrations de danse traditionnelle polynésienne (le tamure).  La boisson reine est le pisco con coca ou sprite (le pisco est un alcool blanc de raisin, produit uniquement au Chili dans la vallée de l’Elqui (à Bruxelles, vous pouvez goûter l’excellent apéritif chilien : le pisco sour (avec du sucre, du blanc d’œuf, du citron et de la glace) à la maison de l’Amérique latine). Et le must, c’est dehors : des chevaux sont accrochés à l’extérieur, qui attendent leur proprio.  Très pratique pour rentrer fatigué, ils connaissent la route.  Nous, c’est notre dinghy qui nous ramènera vers six heures du mat 

Vendredi, récupération des efforts consentis.  Découverte pédestre des alentours et mission cartes postales.  Le soir, on mange chez Gilles, à la taverne du Pêcheur, qui a tout fait, tout vu, et qui fait, bien sûr, la meilleure bouffe de l’île.  Dernière soirée de Jean-Luc, qui nous quitte demain, pour rejoindre sa Marie-Jeanne à Santiago.  Il faut fêter cela !  Et en plus on ne connaît qu’ une boite, le Toroko.  Ce soir, à nous le Piriti.  Même topo, mais plus de monde, et quelques bagarres, pas bien méchantes, juste pour l’ambiance.  Retour aux mêmes heures, avec le même moyen de locomotion, peut-être un peu plus difficile pour l’un d’entre nous (nous vous n’en saurez pas plus…).   

Faudrait quand même pas croire que ces soirées sont improductives.  Les boites, c’est le lieu où rencontrer des pascuans.  Hier, on a notamment rencontré Andy, venu en voilier du Chili, et qui après avoir continué vers la Nouvelle-Zélande et retour au Chili, est revenu s’installer ici.  Et de quoi parlent des voileux quand ils se rencontrent, surtout avec quelques verres de pisco dans le nez ?  De voile, bravo, vous avez gagné un apéro.  Andy a un grand projet : il veut ouvrir une école de voile ici.  Il attend les optimistes (petits voiliers rudimentaires pour enfants) qui doivent lui parvenir incessamment.  Il nous jalouse, parce qu’on va naviguer encore ; on le jalouse, parce qu’il vit au paradis, avec une superbe femme, dans une jolie maison … 

C’est en boite aussi que Lucien (le frère et cousin) nous explique son boulot ; il dirige un centre pour enfants atteints de maladies incurables. Phil a fait une démonstration du site cet après-midi, et Lucien est intéressé.  Le centre a  un accès à internet ; ils pourraient communiquer avec nous.  D’autre part, nous pensons que sans doute, nos moussaillons seraient contents de correspondre avec les enfants que le centre accueille.  Autre type de voyage, expérience difficile…Rendez-vous est pris, vous en entendrez reparler. 

Le lendemain, réveil obligatoire pour conduire Jean-Luc à l’aéroport.  Adieu à notre plus fidèle équipier (presque deux mois à bord !). 

La suite de la journée est difficile, mais on se cultive néanmoins en allant siester auprès des moai.  Le soir, on est invités par les Peewits.  Chouette soirée dans ce beau bateau qui en est à son deuxième tour du monde, mais avec de nouveaux propriétaires.  Bernard est en train de se laisser convaincre de faire les canaux !  D’autant que hier est arrivé un bateau danois, occupé par un couple avec deux jeunes enfants, qui ont exactement le même programme que nous.  La dernière objection est donc tombée pour Bernard : les enfants ne sont pas un obstacle.  Il ralliera Valdivia en solitaire, et Tuyet le rejoindra en avion avec Adèle et Louis pour faire deux mois de canaux, avant de revenir ici.  Chouette, plein de copains dans les canaux.  Pour l’heure, Phil s’endort dans le carré de Peewit, tandis que Pierre et Eric essaient vainement de satisfaire Louis qui veut une navette spatiale en légo et aussi une tour de contrôle, et un vaisseau transspatial.  Devant l’échec des apprentis constructeurs, il crie.  Il est temps de nous retirer… 

Samedi soir…Va t’on dormir un samedi soir ? Le jour où toute l’île est de sortie ?  Difficile n’est ce pas ?  Et nous revoilà au Piriti. 

Cette fois, deux d’entre nous déclarent forfait vers trois heures du mat.  Un ataramien abandonné errera dans l'île jusqu'à l'heure de la messe. 

Le dimanche, on retourne à la carrière, faire nos adieux aux moai.  On reste plusieurs heures à les regarder, les photographier, les filmer.  On est seul sur le site, avec une équipe de télé anglaise qui achève le tournage d’un documentaire en cours depuis plusieurs semaines.  On est, déjà, nostalgiques.   

Un quatrième bateau est arrivé ; un petit cotre américain avec un couple à bord.  Le mouillage va finir par être encombré ! 

Le soir, on bouffe chez Gilles, en attendant l’avion de Santiago.  Pourquoi, Jean-Luc revient ?  Non, c’est Robert, un copain du papa de Pierre, qui arrive de Los Angeles. Il fait le tour de l’Amérique du sud pendant quelques mois ;  il nous a joint par e-mail juste avant la coupure satellite.  On connaissait donc sa date d’arrivée.  Ce fut un bon prétexte pour traîner un peu… 

Robert sera à Valdivia fin novembre.  Aurait-il envie de faire un peu de bateau ?  Oui, il veut.  Ok, on a gagné un équipier -même deux, il sera là avec une amie - pour remplacer Philippe,  qui va nous lâcher pour passer du temps avec Patricia, à terre, parce qu’elle a le mal de mer. 

Lundi, on revoit Robert, on lui confie les mots d’adieu à tous les moai que l’on a pas recroisé. Course au souvenir et visites d’adieux.  Avitaillement, dernier courrier.  On va finir par être prêt.  Pas beaucoup de vent.  Est-ce que vraiment … ? Bah, un jour n’y changerait rien , ce qu’on voudrait, c’est rester encore trois semaines, un mois. Et là, on raterait le rendez-vous avec l’été austral (et accessoirement, Phil son rendez-vous amoureux, mais c’est une fausse objection, il y a cinq vols par semaines…).  Quand faut y aller…Maman, veut pas partir pleurent les petits ataramiens…