Ataram
a traversé l'Atlantique sans nous ! Loué, il a participé
à la Transat des Alizés, course transatlantique pour amateurs.
L'équipage des locataires s'est bien débrouillé, en
se classant de manière très honorable et en gérant
bien les tempêtes qui ont frappé le Golfe de Gascogne - un
peu - et la côte portugaise - surtout - quand ils s'y trouvaient.
L'arrivée se jugeait à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe.
Après, il est descendu en Martinique pour être réceptionné
par Saint-Malo Nautic, la société qui nous a vendu Ataram,
l'a préparé et l'a donné en location pour notre compte.
Depuis Noël, Ataram nous attend sous le soleil martiniquais, au mouillage
du Marin, siué au Sud de l'île.
Pierre est parti
seul le 5 février rejoindre notre bateau. Les préparatifs
d'un tel départ se sont montrés plus importants que nous
le prévoyions. Quitter une vie bruxelloise organisée, boulot,
appart, auto, ne se fait pas comme ça. Quand on y ajoute toute les
démarches liées à l'organisation du projet pédagogique
qui vous permet de nous lire, cela donne des journées (trop) bien
remplies. Nous serons deux "en retard". Eric arrivera le 9 février,
Philippe le 27.
Pierre est accompagné
d'un autre Philippe, Lambiliotte, qui vient se faire une petite idée
de ce que seront faits nos 547 jours à venir. Avec Jean-Marie, qui
veille sur notre bateau pour Saint-Malo Nautic, ils vont reprendre le bateau
en main, et commencer la remise en état rendue nécessaire
par une traversée en course de l'Atlantique.
Quatre jours
plus tard, Eric les rejoint. Décision est bientôt prise d'amener
le bateau en Guadeloupe, où plusieurs interventions techniques nécessaires
seront plus faciles, du fait des connaissances de Jean-Marie, qui "connaît
tout le monde" à Pointe-à-Pitre. Ataram devra notamment être
sorti de l'eau, pour réparer un coup à l'étrave,
causé dans ... le Port de Saint-Malo cet automne, mais dont on n'avait
pas, à l'époque, mesuré l'importance. Au passage,
nous déposerons Philippe, l'autre, pas le Dhainaut, à Fort-de
France pour qu'il prenne l'avion qui le ramènera aux réalités
bruxelloises.
Le
12 février à 18 heures, nous (Eric et Pierre donc) quittons
FdeF pour PTP. Nous naviguons de concert avec Bellauche, un Océanis,
bateau de série de chez
Bénéteau que Jean-Marie doit ramener à PTP. La
navigation de nuit est très agréable bien que le vent soit
très irrégulier. Il est faible sous le vent des îles,
et assez fort à fort (jusqu'à 30 noeuds de vent, 7 beaufort)
dans les canaux entre celles-ci. Nous reprenons contact avec Ataram. Cela
nous vaut quelques petites maladresses dans les manoeuvres; rien de grave
ni surtout d'améliorable. C'est aussi la première fois que
nous naviguons seuls, à deux (étrange expression pour dire
que nous ne sommes que deux sur Ataram). Nous remontons la côte de
la Martinique avant de traverser le canal de la Dominique, de passer sous
le vent de la Dominique et de remonter vers les Saintes. Nous arrivons
aux Saintes vers 9 h, juste à temps pour un délicieux petit
déjeuner à la crêpe bretonne (les îles des Saintes
sont habitées par des descendants d'émigrés bretons
venu chercher leur paradis; ceci pour ceux qui n'auraient pas été
consulter le lexique).
Le 13, nous
nous offrons une petite journée dans cette baie magnifique. Cela
nous permet d'observer la double vie de terre d'en haut, île de l'archipel
calme, sereine et accueillante le soir et jusqu'à 9h30, et qui est
ensuite véritablement envahie par des hordes de touristes. L'expression
est usée, certes, mais tellement adaptée ici. Il faut avoir
vu le petit ponton du Bourg des Saintes abordé de toute part par
des navettes déchargeant une foule venue à la fois de Guadeloupe
et des gros paquebots de croisière qui viennent ancrer dans la baie
pour la journée. Pendant un moment, on croit qu'il va s'enfoncer
dans l'eau sous le poids de ces centaines de pieds en slach ou en nike
air, sur lesquels reposent la collection la plus exhaustive qu'il soit
de bermuda-tee-shirt. Du touriste-croisière à 10000$/semaine
au randonneur fauché, du vidéo-recorder fou aux gentils amoureux,
du tour-du-mondiste au fonctionnaire guadeloupéen en week-end prolongé,
tout le monde vient aux Saintes. Et malheureusement, l'atmosphère
s'en ressent. Le plus agaçant est la multiplication de scooters
sur cette île qui, il n'y a pas si longtemps, ne connaissait comme
engin à moteur que de rares camionnettes de livraison. Heureusement
la meute se retire à 17 heures, repue d'images de maisons traditionnelles
et de baies à la végétation chatoyante. On peut alors
apprécier ces îles, superbes et malgré tout encore
préservées, où les habitations en bois peint se coulent
en harmonie avec le cadre naturel.
Mais nous ne
sommes -pas encore- à l'heure du tourisme. Nous devons rejoindre
PTP. Navigation de jour cette fois-ci et arrivée à la marina
du Bas du Fort, où nous nous mettons sur un catway dans la partie
dite "village lacustre" du lagon bleu. C'est une partie un peu à
l'écart de la marina. Mais cette dernière étant elle-même
à l'écart de PTP, et ne présentant aucun intérêt
particulier, nous préférons nous mettre là.
Nous allons
rester plus de dix jours à quai à travailler sur Ataram.
Le plus difficile dans ces régions, qui sont pourtant des départements
français d'outre mer, c'est de réunir tout ce dont nous avons
besoin, surtout en ce qui concerne le petit bricolage en électricité,
plomberie etc.... L'un aura le joint que vous avez besoin pour le raccord
en "T" que vous a vendu le précédent, qui ne pouvait pas
vous donner le joint, la vanne sera chez un troisième et le tuyau...ah
le tuyau ! peut-être dans 6 jours, il est commandé, mais avec
le carnaval et l'éclipse...disons plutôt trois semaines...
Chouette, dans trois semaines nous devons être dans les Grenadines
avec nos visiteurs. Finalement c'est dans les réserves d'Ataram,
d'une richesse insoupçonnée, que nous trouverons le tuyau
!
En matière
de voile et de gréément, par contre, il y a à PTP
des professionnels tout ce qu'il y a d'efficaces. Notre génois,
qui a souffert pendant la traversée océanique, doit subir
une révision complète. Ce sera l'affaire de deux jours pendant
qu'Ataram est mis au sec. Soulevé par une grue, il est déposé
sur sa quille. Des soutiens latéraux contribuent à le maintenir
en équilibre. Nous profitons de l'occasion pour remettre deux couches
d'antifouling sur la coque.
L'exercice nous transforme rapidement en schtroumpfs, car nous peignons
en maillots et manquons de finesse dans l'usage des rouleaux et brosses
(et, vous avez deviné, l'antifouling est bleu !). L'antifouling
résistera un certain temps aux douches, pendant lesquelles on se
frictionne pourtant au tampon jex.
Nous aménageons
l'intérieur d'Ataram, transformant des placards, et surtout effectuant
un grand nettoyage total. Ces travaux sont rendus un peu pénible
par la température ambiante dans le bateau, qui doit monter à
40-45° c. Mais que ne ferait-on pas pour le confort de son home pendant
18 mois ? L'idée d'être propriétaires de ce bateau
ne s'installe que très lentement dans nos esprit malgré l'investissement
enfin physique que nous y mettons.
Sur le ponton,
nous sommes entourés de bateaux qui servent de logements permanents
à leurs occupants. Ce sont la plupart du temps des familles entières,
qui louent un emplacement à l'année. L'ambiance est assez
conviviale. L'état des bateaux est assez variable, mais pour quelques
d'entre eux, nous avons de très sérieux doutes sur leur capacité
à encore naviguer un jour. Ce sont devenus des maisons flottantes,
encombrées d'un fouillis invraisemblable.
Pour la population
locale, la grande préoccupation, c'est la préparation du
carnaval. Tous les week-end de février, il y a "entraînement"
dans la plupart des villes et villages de Guadeloupe. L'apothéose
a lieu du dimanche 22 février au mercredi des cendres, 25 février.
Les défilés sont différents; le plus haut en couleur,
mais aussi le plus conventionnel, qui a un petit parfum de représentation
pour touriste, est celui de Pointe-à-Pitre. Nul doute que pour les
participants au défilé, l'investissement est sincère
; mais les spectateurs ne sont pas très "chaud". La douceur de l'atmosphère
ne suffit pas à effacer certains souvenirs binchous... Mais dans
certains régions plus populaires, l'ambiance est réelle nous
dit-on...
Bien entendu,
ces festivités ont un effet légèrement perturbateur
sur l'activité commerciale locale... Il est bientôt évident
que tout ne sera pas fini sur Ataram pour le jour du départ. De
plus, ce jour est jour d'éclipse totale de soleil, toute la Guadeloupe
aura les yeux au ciel. Inutile d'espérer des miracles de dernière
minute. Qu'à cela ne tienne, de toute façon on nous a prévenu
mille et une fois : un bateau, c'est du boulot tout le temps. Partir avec
deux ou trois choses à terminer nous paraît donc tout-à-fait
normal. On renonce donc à tenter toute recherche de matériel
à l'exception de lunettes spéciales qui nous permettront
de regarder l'éclipse sans s'abîmer les yeux. Demain donc,
on repart pour Le Marin, en Martinique.
L'équipage
d'Ataram sera enfin au complet, puisque nous retrouverons Philippe. Pendant
cette vingtaine de jours à Bruxelles, il a couru dans tous les sens
pour finaliser toutes les modalités de fonctionnement du site. Demain,
nous aurons donc des nouvelles fraîches, un peu plus complètes
que ce que nous avons glané comme bribes d'info au cours de conversations
téléphoniques "codées" où chaque "équipe"
(maintenance bateau - Guadeloupe, Pierre et Eric- et préparation
projet- Bruxelles, Philippe) tente de faire partager à l'autre des
décisions, des joies et des déconvenues. Cela donne : "-
on manque de clés 7/8 pour le moteur mais on a trouvé le
joint pour la douche. Tu veux du stoppanni (vernis) mat ou semi-mat ? -
Heu, ben, très bien, moi j'ai la caméra, mais je ne sais
pas quel chargeur prendre qu'est-ce-que vous en pensez ? - Bof..." etc...
Demain donc,
ce sont les retrouvailles.