"Le paradis terrestre".
Voilà ce qu’évoquent le plus couramment les îles du Pacifique dans la pensée occidentale, depuis que les explorateurs européens ont découvert ces petits coins de terre perdu dans le Grand Océan. Tahiti symbolisa particulièrement cette vision romantique, véhiculée par les récits des premiers visiteurs. Parmi eux, le plus illustre français, Louis Antoine de Bougainville, compara les Tahitiens au « bon sauvage » de Jean-Jacques Rousseau, l’homme naturellement bon, pas encore perverti pas la civilisation. Suite à l’accueil chaleureux que ses marins et lui reçurent, il dénomma aussi Tahiti la Nouvelle Cythère, d'après l’île légendaire d’Aphrodite, l’île de l’amour. Depuis, bien que la « civilisation », télévision, pepsi et 4x4 se soient imposés en force ici comme ailleurs, les noms de Tahiti, Bora Bora ou Maupiti évoquent toujours les îles de l’amour, de la nature vierge, et des hommes sans souci. Non sans raison d’ailleurs, autant vous le dire tout de suite. C’est là l’essentiel de ce que nous retiendrons de ces îles, où nous avons passé trois mois. Mais il ne faudrait pas commettre l’erreur d’en rester à cette image idyllique, qui oblitérerait la culture et la réalité quotidienne de la vie en Polynésie. C’est cette découverte que nous voulons vous faire partager en vous donnant les quelques informations qui nous ont permis de mieux comprendre les gens que nous avons rencontrés. |
![]() Les habitants ![]()
Mais aussi .. |
La Polynésie baigne dans l’eau du Pacifique. L’Océan Pacifique est la plus grande aire géographique de notre planète. Il mesure plus de 165, 3 millions de km2, c’est à dire plus que les océans Atlantique, Indien, et Arctique réunis. Sa profondeur moyenne est de 4000 mètres… Une théorie (scientifique, pas seulement poétique ! ) postule que la lune pourrait s’être décrochée de la terre, créant le Pacifique, quand le monde était encore jeune.
Dans ce gigantesque continent liquide, baignent quelques terres émergées. Sous l’équateur, à l’ouest, la Mélanésie, terres montagneuses, reste d’une partie engloutie du continent Australasie (îles « continentales » donc, cf. le sujet Galapagos). A l’est, la Polynésie. Au nord de l’équateur, la micronésie. Toutes deux « îles volcaniques », composées de terres volcaniques et d’atolls de corail.
Les îles de la Polynésie ont
surgi de l’océan voici plusieurs millions d’années, suite
à des mouvements volcaniques sous-marins très importants.
Nous avons déjà évoqué brièvement l’activité
sismique très importante que connaît l’océan Pacifique
dans le chapitre consacré aux Galapagos.
Pour bien le comprendre, il faut relire avec vos profs la théorie
de la tectonique des plaques, qui explique la dérive des continents
(ceux qui n’ont plus la chance d’être encore à l’école
reliront utilement ces théories, c’est intéressant pour tout
le monde !).
Contentons-nous ici de nous souvenir qu’en
certains endroits, l’activité volcanique sous-marine
est particulièrement intense. Ces endroits sont appelés
les « points chauds ». Ce sont des points fixes, sources
de magma. Ils peuvent engendrer la formation de terre émergée
en poussant vers la surface la matière composant les plaques qui
les surplombe. Mais ces plaques se déplaçant, comme un tapis
roulant sur le magma, cette « excroissance » ne reste pas au-dessus
du point d’activité. Elle refroidit alors, subit l’érosion,
et s’enfonce dans l’océan. L’île volcanique disparaît
alors dans l’océan. Dans les régions océaniques
tropicales, propice au développement du corail, il ne reste alors
que la ceinture corallienne qui s’est développée autour de
ces masses volcaniques.
C’est le processus de formation des atolls de corail, mis en évidence pour la première fois par Charles Darwin – encore lui ! Le principe en est le suivant : une montagne volcanique accueille des coraux sur ses pentes sous-marines, qui forment bientôt un récif. Quand la matière volcanique s’enfonce dans l’océan, le récif subsiste et pousse vers la surface, formant un récif-barrière autour de l’île. Finalement, quand toute la masse volcanique a disparu, il ne subsiste que l’atoll de corail. La masse de corail peut atteindre plus de 2 kilomètres d’ épaisseur.
Nous avons rencontré deux stades de l’évolution des atolls : les îles de la société sont des îles volcaniques entourées d’une barrière de corail (la plus célèbre étant sans doute Bora Bora) ; et les Tuamotu sont des atolls de corail « vides ». Les Marquises par contre, sont des masses volcaniques sans récif corallien. Mais cela n’est pas dû à leur jeunesse, ces îles étant pour certaines très anciennes. Mais les scientifiques estiment qu’un accident naturel a causé il y a plusieurs millions d’années la mort des récifs de coraux. Il se peut notamment que des courants froids aient causé la mort des coraux, qui ont besoin d’une haut à 20° pour prospérer.
Avant de parler des hommes qui peuplent ces îles, précisons les divisions géographiques établies dans ce grand bleu. Les savants du XIXe ont établi la division dont nous vous avons déjà parlée entre Mélanésie, Micronésie et Polynésie. C’est le français Dumont d’Urville qui proposa ces termes en 1831. Quoique contestables, ils sont encore en usage. Le mot « Polynésie », construit sur les racines grecques poly, « beaucoup » et nesos, « îles » qualifiait toutes les îles du Pacifique. D’urville proposa de l’appliquer à l’énorme triangle s’étendant entre Hawaï, au nord, la Nouvelle-Zélande, au sud-ouest, et l’île de Pâques au sud-est. Le mot « Micronésie », construit sur les mêmes racines grecques signifie « petites îles » (micro = petit). Le mot « Mélanésie » n’est pas issu d’une observation géographique, mais ethnographique (ce qui rend les trois appellations peu rigoureuses au point de vue scientifique) : le mot grec « melas », « noir » s’applique ici à la couleur de la peau des habitants de ces régions, plus foncées.
A l’intérieur de la Polynésie,
les anciens royaumes – un peu- et la colonisation –surtout- , ont
déterminés des ensemble plus petit. C’est ainsi que
l’on parle de la « Polynésie française », îles
soumises à l’administration française. Ce « territoire
d’outre mer » français englobe cinq archipels : les Marquises,
les Tuamotu, les Gambier, les îles de la Société et
les Australes. Enfin, au sein des îles de la Société,
on distingue les îles du vent (Tahiti, Moorea) et les Iles Sous le
Vent (Bora bora, Tahaa, Raiatea, Maupiti, Huahine…). Si vous avez
repéré tout cela sur une carte, vous voilà armé
pour nous suivre à la découverte de ces îles et de
leurs habitants.
Les îles du Pacifique sont les dernières terres à avoir été occupée par l’homme. Ce fut aussi les dernières terres habitées à avoir été découverte par les européens.
Les savants se sont longuement querellés
à propos de l’origine géographique du peuple polynésien.
Aujourd’hui, une théorie paraît faire l’objet d’un consensus.
Elle postule que les peuples polynésiens émigrèrent
du sud-est asiatique voici quelques milliers d’années. Mais
de nombreux points son encore discutés : quels furent les trajets
exacts et la chronologie de la colonisation, quelles raisons poussèrent
ces hommes à émigrer, comment se dirigèrent-ils ?
Les partisans de l’origine sud-américaine de ces populations dont
le célèbre Thor
Heyerdahl, sont aujourd’hui minoritaires.
Les éléments qui font
l’objet d’un consensus solide entre archéologues, linguistes et
anthropologues sont les suivants : venant d’Asie, il y a 50.000 ans, les
papous furent les premiers à coloniser ce qui est aujourd’hui la
Nouvelle-Guinée et l’Australie. Pendant des dizaines de milliers
d’années, les îles du sud-est asiatiques ont sans doute été
le lieu de l’éveil de l’homme à la navigation. Le pithécanthrope,
vivant à l’extrémité de l’Asie du Sud-est était
devenu « insulaire malgré lui » quand les eaux ont recouvert
le plateau de Sunda, plateau continental à sec lors des grandes
glaciations, laissant les dizaines d’îles de l’archipel de la sonde.
On pouvait accéder d’une île à l’autre à la
nage ou en s’aidant d’un flotteur végétal. Les descendants
du pithécanthrope ont donc appris progressivement à se frotter
à l’élément marin. Il y 50.000 à peu
près, ils réussirent à traverser la fosse de
Wallace, fosse océanique qui sépare le plateau Sunda, qui
reliait ce qui deviendra Sumatra, Java et Bornéo continent asiatique,
du plateau Sahul, qui comprend l’Australie et la Nouvelle-Guinée.
Une fois abordé ce continent, ils reprirent leur habitude pédestre,
et colonisèrent le continent australien. Lors de nouvelles
glaciations, ils passèrent à pied, en Tasmanie, et en Nouvelle-Guinée,
le niveau des mers étant alors moins élevé de 150
mètres. Quand les eaux remontèrent, voici environ 10.000
ans, les aborigènes furent isolés en Tasmanie, et leur
première zone d’établissement en Nouvelle-Guinée,
sur la côte, furent submergées. L’énorme Australie
fut plus isolée, les distances maritimes pour la rejoindre s’étant
considérablement agrandie.
Pendant ce temps, les australiens
du Nord perfectionnaient leur science nautique : ils colonisaient l’archipel
de Bismarck après avoir traversé des bras de mer larges de
quelques dizaines de kilomètres, il y a 33.000 ans environ.
Ils s’élancèrent ensuite vers des terres plus lointaines.
Plus tard, d’autres peuples, parti aussi d’Asie de Sud-Est allaient poursuivre, et achever vers le Xè siècle de notre ére la conquête du Pacifique. Vers1600 avant JC, les Austronésiens, de peau plus claire, arrivèrent d’Indonésie et des Philippines. Ils se mélangèrent aux Papous pour former l’actuelle population mélanésienne. Ils voyagèrent vers l’est, atteignant les Fidji et Tonga vers 1500 av. JC, et les Samoa vers1000 av. JC. Ces voyageurs polynésiens formaient l’avant-garde d’un mouvement continu de migration de l’Asie vers l’Est, qui continue aujourd’hui. Ce civilisation dite « lapita » du nom de la poterie qu’elle produit, très raffinée et développée, va se répandre jusqu’à 4000kilomètres à l’Est de la Nouvelle Guinée. ![]() Certains scientifiques prétendent aujourd’hui que les Polynésiens allèrent même jusqu’en Amérique. |
Ces extraordinaires voyages marins ont longtemps parus impossible. Ils étaient l’argument essentiel de ceux qui rejetaient la théorie du peuplement asiatique. Comment ces hommes, sans moyens d’orientations, avec des pirogues en cocotier auraient-ils pu accomplir des navigations de plusieurs milliers de kilomètres, la plupart du temps contre le vent et le courant ? On commence seulement à le comprendre. Mais on sait que ces navigations n’étaient pas menées au hasard, mais étaient le fruit d’une volonté d’exploration rationnelle. Les polynésiens emportaient avec eux des plantes pour les cultiver, et des animaux pour les élever sur les terres découvertes. Ils savaient se diriger. Ils leur est arrivé souvent de revenir sur leurs traces, ce qui suppose bien sûr des moyens d’orientations bien maîtrisé. On pense qu’ils se servaient des astres, des signes de l’océan, comme la houle. Pour localiser les îles, ils observaient les nuages, les oiseaux, et le mystérieux "te lapa", une lumière émise par l’océan entre 120 et 150 km des côtes.
Ils naviguaient sur des pirogues dites doubles ou à balancier, c’est-à-dire les premiers catamarans, et les premiers praos. Il y avait plusieurs types de pirogues, adaptées aux différents besoins : petites pirogues à balancier à pagaie pour la pêche côtière et les petits déplacements ; pirogue à balancier à voile, de 10 à 13 mètres pour la pêche au large et les petits voyages ; pirogues doubles à rame, qui servaient pour la guerre ; pirogue double à voile, jusqu’à 30 mètres de long, pour le transport et le long voyage. Chaque flotteur est creusé dans un tronc. Les plus grandes pirogues étaient manœuvrées par 20 hommes et pouvaient emmener 60 personnes avec leurs provisions, et leurs animaux. Elles ont permis les grands voyages océaniques.
Les pirogues étaient construites dans des matériaux d’origines végétales exclusivement. Le bois était travaillé avec des outils en pierre, en bois, en coquillage, en os, ou en arrêtes de poisson. La construction des grandes pirogues était l’affaire d’ouvriers spécialisés, bénéficiant d’une position sociale élevée.
Aujourd’hui, des marins on refait ces voyages sur des répliques de bateaux traditionnels, sans moyens de localisation modernes, pour prouver que c’était possible. Paradoxalement, un adepte de la théorie du peuplement sud américain, le déjà nommé Thor Eyerdahl , fut le premier à utiliser ce mode de démonstration de ses théories. Mais depuis, d’autres aventuriers marins ont prouvé que le trajet en sens inverse était faisable aussi, puis ont réalisé les trajets nécessaires au peuplement issu de l’Asie. En 1976, un canoë traditionnel relia Hawaï à Tahiti. Depuis, de nombreux voyages ont été accomplis, dans les deux sens, entre les Tonga et les îles de la Société, entre les Australes et la Nouvelle-Zélande, entre les Marquises et les Gambier etc…
La mer n’a donc pas permis de départager
les adversaires. Mais l’anthropologie, la linguistique et l’archéologie
ont permis d’accréditer la thèse du peuplement asiatique,
en établissant une parenté claire dans les caractéristiques
physiques des habitants des îles du Pacifique et du sud-est
asiatique, une famille de langue commune, et un art commun, aux motifs
répétés sur des îles distantes de plus de 10.000
km. Rares sont les peuples à avoir occupé un espace
aussi grand aussi longtemps !
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Il fut difficile aux européens de découvrir les îles du Pacifique, petits points noyés dans le plus grand des océans, sans le savoir «magique » (à tout le moins encore mal expliqué) des polynésiens, .
Magellan, pionnier du Pacifique en 1520, n’aperçut qu’une île en Polynésie (on pense que c’est Puka Puka) et atterrit deux mois après son entrée dans le Pacifique, à Guam, de l’autre côté de l’océan. Il mourra assassiné aux Philippines.
Les voyages suivants furent d’abord motivés par la recherche de richesses nouvelles, puis de routes vers l’Europe. Ensuite, la motivation majeure, qui durera plusieurs siècles, est la découverte de la "terra australis incognita", le grand continent du sud, qui doit, d'après les savants de l'époque, équilibrer les masses continentales à la surface de la terre.
Après avoir découvert les île Salomon en 1568, Alvaro de Mendaña de Neira découvre les Marquises en 1595, ainsi nommée l’honneur de l’épouse de son mécène, le vice-roi du Pérou, Marquis de Mendoza.
En 1606, le pilote de Mendaña, Quiros, est le premier à accomplir un voyage contre les vents et les courants dominants, de Vanuatu vers le Mexique.
Les espagnols disparaissent alors de la scène des grandes explorations. Les hollandais furent ensuite les plus actifs. Jacques Le Maire traversa les Tuamotu en 1615-1616. Les navigateurs des Pays-Bas, dont le célèbre Tasman, effleurèrent les côtes de Nouvelle-Zélande et de l’Australie, atterrirent aux Fidji, aux Tonga. Mais les îles de la Société ne furent découvertes qu’en 1722, par Jacob de Roggeven, qui venait d’atterrir à l’île de Pâques, et qui aperçut Maupiti, la plus nord-ouest des Iles Sous le Vent.
Le siècle suivant fut celui des Anglais. Un flibustier d’abord, William Dampier, qui inspira Defoe pour les traits de son Robinson Crusoe, et écrivit lui-même beaucoup (il faut lire Le grand voyage, Le Tour du monde d’un flibustier, Ed. Phébus, 1993). Puis John Byron, grand père du poète, qui découvrit les dernières Tuamotu encore inconnues. Carteret et Wallis en 1767, passèrent ensemble le cap Horn, puis se perdirent de vue. Carteret découvrit Pitcairn, et explora les Salomon. Wallis fut le premier à visiter Tahiti. Après une période de curiosité mutuelle, quelques affrontements se produisirent. Mais après ceux-ci, une période de commerce et de relations d’échanges s’établirent entre l’équipage et les tahitiens.
Moins d’un an après Wallis, Louis-Antoine de Bougainville arriva à Tahiti. Il cru être le premier européen à marcher sur le sol Tahitien, car Wallis n’était pas encore rentré en Europe. Il revendiqua donc Tahiti pour la France. C’est lui qui allait ramener en Europe la vision du « bon sauvage », et raconter l’amour libre pratiqué par des Tahitiens sans inhibition vis-à-vis du sexe. Il allait même ramener le premier Tahitien en Europe, qui devait mourir à Madagascar sur le chemin du retour vers sa terre natale.
Un an plus tard, James Cook entamait son premier voyage. Cet anglais, pur produit du siècle des lumières, mathématicien, astronome, médecin, et navigateur fut mandaté par les autorités anglaises pour, officiellement, observer le passage de Vénus devant le soleil, observations qui devait permettre de calculer la distance terre-soleil. Plus discrètement, il était chargé de découvrir la mythique « terre australe ». Ni l’une ni l’autre de ces missions ne furent accomplies, mais Cook mena une extraordinaire exploration du Pacifique, qu’il poursuivit lors de deux autres voyages, jusqu’en 1779. Cook passa trois mois à Tahiti lors de son premier voyage, puis y revint à deux reprises. Il ramena aussi deux polynésiens en Grande-Bretagne, dont un natif de Huahine, Omai, que Cook ramena chez lui lors de son troisième voyage, après qu’il eut connu la vie de la cour du Roi George III.
Les espagnols repasseraient une dernière
fois dans cette partie de Pacifique en 1772, 1774 et 1775, pour tenter
de revendiquer Tahiti au profit de l’Espagne. Ce fut un échec,
mais des missionnaires espagnols restèrent pendant plusieurs mois
sur l’île.
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Le paradis n’allaient pas être colonisé tout de suite. Il ne recelait pas de richesses autres que la liberté de comportement de ses habitants, et n’exacerba donc pas la convoitise des nations colonisatrices. Seuls quelques baleiniers commencèrent à fréquenter avec assiduité ces îles pour se remettre de leur campagne de chasse à la baleine dans le grand sud, passant là les mois d’hiver. Mais, logiquement, c’est les hommes de Dieu devaient se charger d’envahir le paradis et de convertir ces « bons sauvages ».
Les missionnaires anglais furent les premiers à arriver à Tahiti. La lutte pour le contrôle des esprits de Polynésie s’engageait entre protestants et catholiques. Encore aujourd’hui, la population des îles est partagée entre ces deux confessions, avec un avantage pour les protestants. Dans la plupart des îles, dans la plupart des villages, coexistent, plus ou moins harmonieusement ( plus harmonieusement aujourd’hui qu’hier) église et temple.
La domination anglaise et protestante fut remise en cause suite à un épisode de cette « guéguerre religieuse » : deux prêtres catholiques abordèrent clandestinement Tahiti en provenance des Gambier ; ils furent arrêté et expulsé dès leur arrivée à Papeete.
La France vit dans cette affaire un prétexte à saisir pour reprendre le contrôle complet des îles de la Société. Elle en fit une question d’honneur national bafoué, déposa des réclamations, des demandes d’indemnités etc…En 1841, le navire La Reine Blanche entrant en baie de Papeete, et exigea de la Reine Pomare, issue de la famille régnante depuis plusieurs dizaines d’années, qu’elle se place sous la protection de la France. Les soldats et les missionnaires catholiques débarquèrent à leur tour. La protection devint domination. Pomare s’exila à Raiatea, qui devint le centre de la résistance aux Français. La résistance insulaire fut réelle. On trouve encore sur plusieurs îles (Tahiti, Raiatea, Huahine) des traces de fortifications construites par la résistance. Mais en 1846, les français étaient maîtres de Tahiti et Moorea. Le reste des îles devait tomber progressivement sous la coupe hexagonale. En 1903, les cinq archipels devenaient officiellement les « Etablissement français d’Océanie ».
De nombreux colons français s’installaient. L’immigration chinoise se mettait aussi en place. Les îles allaient jouer un rôle dans les deux conflits mondiaux. Lors de la première guerre, près de 1000 poilus tahitiens combattirent en Europe. Deux croiseurs allemands bombardèrent Papeete le 22 septembre 1914.
Lors de la deuxième guerre mondiale, les USA utilisèrent Bora Bora comme base de ravitaillement pour leurs troupes en guerre contre les japonais. Et de jeunes volontaires tahitiens combattirent dans le bataillon du Pacifique aux cotés des forces françaises libres.
Des mouvements indépendantistes se firent le jour après la seconde guerre mondiale, comme dans la plupart des pays colonisés. Mais le 22 juillet 1957, les EFO devenaient la Polynésie françaises, et lors du référendum de septembre 1958, 65 % des Polynésiens manifestèrent leur volonté de rester liés à la France. Contrairement aux anglais, qui entamaient un retrait étalé sur de nombreuses années de toute leur colonie, y compris leurs possessions pacifiques, la France renforçait sa présence à coup d’investissement économique.
En 1961, un aéroport international, le premier du Pacifique, fut construit à Papeete.
En 1963, après avoir fait exploser des bombes H dans l’atmosphère inviolée du Sahara, les français choisissaient de faire du paradis le nouveau lieu de leurs essais nucléaires (comme l’avaient fait d’ailleurs les USA et la Grande Bretagne, mais ces nations venaient juste d’interrompre leurs essais quand les français décidèrent de les commencer). La France allait réaliser des essais atmosphérique jusqu’en 1974, refusant même de se plier à une décision de la Cour internationale de justice lui enjoignant d’arrêter ces essais. Elle réalisa ensuite des essais souterrains, que l’on soupçonne d’avoir ébranlé la structure corallienne de l’atoll. Les autorités françaises ont toujours défendu la thèse de l’innocuité de ses essais. Mais elles ont toujours refusé un contrôle international, allant jusqu’à recourir au terrorisme pour empêcher les navires de Greenpeace de se rendre dans la zone d’essai. En 1985, des agents secrets français faisait exploser le Rainbow Warrior, le navire amiral de l’organisation écologique, dans le port d’Auckland, en Nouvelle-Zélande, tuant un photographe qui se trouvait à bord. Mitterand choisissaitdécidait d’interrompre les essais. Mais en 1995, Chirac décidait de les reprendre. Cette décision provoqua de vigoureuses protestations dans le monde, et des émeutes en Polynésie. Le procès de 64 militants anti-essais arrêtés lors d’une manifestation à l’aéroport de Faa’a doit d’ailleurs commencer la semaine prochaine, lundi 20 septembre, à Papeete.
L’installation du CEP (le Centre d’Expérimentation du Pacifique) à Mururoa et Fangataufa allait doper artificiellement l’économie locale. Des dizaines de millions de francs pleuvaient sur la Polynésie, des milliers de soldats et de fonctionnaires surpayés s’y installaient, y important le mode de vie occidental. Le tissu socio-économique de la Polynésie a été profondément bouleversé par cet argent du nucléaire.
Aujourd’hui, la fin des essais et la fermeture définitive du CEP posent des problèmes énormes de transition. Par la signature d’un « pacte de progrès » avec le Territoire, l’Etat français s’est engagé à maintenir ses investissements à un niveau égal jusqu’en 2005.
Depuis 1977, la Polynésie bénéficie
du statut d’indépendance de gestion , et depuis 1984, de l’autonomie
interne, renforcée en 1990 et 1996.
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